Page 94 - catalogue_2012
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Marine BOURGEOIS et Thomas SABOURIN
Le Kiosque
Ou « le temps nu des commodités de la conversation » 1
Vibrations presque imperceptibles - mouvement de rupture - impatience de l’attente - le corps dans
l’inconfort - oscillation de pieds de chaise bancale comme le temps suspendu où chacun tient - une place
donnée - infléchissement - respiration
“Nous sommes uniques, l’unique est sans certitude, sans référence. L’unique nous conduit à l’un. Le fil
d’Ariane est notre histoire, les marques qu’elle a inscrites en nous sont les bornes du chemin, il n’y en a
pas d’autres, à chacun son goulet étroit. Il n’y a d’accès à l’un que par la petite porte du corps et sa
mémoire enfouies, il est un envers obscur, son endroit est une mémoire où dorment les oiseaux” 2
Tout d’abord c’est un choc – Le silence et ces personnes qui tracent la bascule du temps -
“Etre dans l’instant présent est le seul remède pour dissoudre l’acide corrosif de l’impatience et du désir
avide de certitudes” 3
Hommes femmes enfants sous un kiosque - un instant entre la vie et la mort - le jeu de patience
commence - un bâillement - un regard fixe un coude un paysage fripé de visages et de corps au
quotidien - on tue l’attente - mouvements inquiets d’oeil tels des gyrophares des moineaux soucieux - ailes
mains repliées sur la bouche - froissement des bras en sac et malles entre les jambes - pieds de chaise -
étirement des corps aux aguets
Qu’attendent-ils de ce temps ténu ?
Livre à peine ouvert sur une page de hasard - chapeau en peau de friction - l’enfant joue sous sa
casquette - une femme me parle derrière ses lunettes opaques - une autre en habit rouge presque
allongée sur une chaise en tentative de tenir - tenir - un pêcheur répertorie sur son carnet ses commodi-
tés de lignes - un autre a chaud sous son regard emplie de tristesse contrainte - l’ombrelle se froisse sous
deux mains de rapace en plis replis frottement lissage oscillement de l’oeil ahuri dessus -
Le paysage de ces êtres devient un groupement d’hirondelles sur un fil de tension cassable - la vibration
des bras agit comme un bruit inaudible d’ailes avant l’envol - avant un air sourd qui craque l’immobilité
tranquille - celui de l’aile en froissements légers dans le vent doux -
“Perchés sur une antenne de télévision, dans une lumière de fin de jour rendue opaque par le brouillard,
cinq gros oiseaux sombres sont réunis. Ils savent qu’une autre saison est là bientôt. Ils en écoutent,
silencieux, l’approche. Rassemblés, de temps à autre ils bougent.” 4
Postures de corps juchés sur l’équilibre précaire - comme une nuée de moineaux étourdis par la
préoccupation du départ – le temps nu parle en vibrance de ces êtres “molécules” qui traversent
l’instant fragile et discret dans ce silence à voir
Etats d’expressions temporairement longues - on ne peut échapper à cet échange par l’interaction de
l’image et soi - ils sont là et mettent en question notre propre temps nu - vide - ils sont l’action de
réfléchissement de l’immobile tension - par le peu de leur vibrance - de plus en plus les corps sont
fatigables - les malles sacs deviennent enfin avec les chaises ces traces laissées, comme sur le sable
après la disparition des corps - là où l’instant pose pour le temps .
“l’instant présent, du fait que toujours on le quitte, est l’endroit où l’on revient, comme on rentre chez soi,
en posant ses valises” 5
Béatrice MAURI, poète
1 Fragment texte et conversations - Marine Bourgeois & B. Mauri
2 Fragments d’un carnet 2000 - 2009 : 22 mai 2007 / Espace Ecureuil. Exposition Marine Bourgeois
3 Fragments d’un carnet 2000 - 2009 : 23 Mars 2001 /Espace Ecureuil. Exposition Marine Bourgeois
4 Fragments d’un carnet 2000 - 2009 : 23 septembre 2001 / Espace Ecureuil. Exposition Marine Bourgeois
5 Fragment d’un carnet 2000 – 2009 : 20 février 2001 / Espace Ecureuil. Exposition Marine Bourgeois
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