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Traverse Vidéo au Goethe

Jochen Kuhn en est l’Auteur avec majuscule puisque inventeur de l’histoire et de l’écriture du
scénario, il en compose la musique et est responsable de l’image qu’il peint, qu’il photographie, qu’il
découpe.

Ses mains entrent parfois dans le champ. Elles ouvrent le premier dessin du café saturant l’espa-
ce, afin que la prise de vue découvre d’abord les deux vigiles peints, fixes avant Le couple ; elles termi-
nent sur la résultante de ce dimanche très particulier, en ouvrant l’oculus de la porte de la cellule où est
enfermé l’homme. Elles s’activent aussi pour zébrer tel visage d’aquarelle, pour ajouter un papier décou-
pé selon les changements de mimique ou les déplacements dans la rue.
Ce n’est pas dédain pour la précision, puisque ses options réclament, au contraire, une technique minu-
tieuse, par exemple, pour annuler l’effet ligne blanche sous la lumière du banc titre, dans le placement des
projecteurs afin d’éviter ombres et reflets, mais son projet n’est pas une ode à la technique.

Le plaisir du film se fonde sur des processus d’écriture fidèles à une animation qui ne refuse pas
le risque. L’animation en papier découpé implique, en effet, une manipulation des matériaux sur la table
de tournage. Si la pose laisse des latitudes de position, le matériau est fragile. Le support papier peint se
distend prouvant sa fragilité, ce qui ne rebute pas Jochen Kuhn puisqu’il humidifie sa base, en peignant.

Son projet loin de cacher cette manipulation inhérente à lui, profite de ses libertés : les dimensions
des visages ou des corps superposés ne suivent pas toujours la règle perspectiviste; ils peuvent s’agran-
dir ou se réduire.La disposition du couple désobéit au réel.
La première silhouette est jaune, ensuite elle obéit à la couleur du corps humain. Le portrait se fait ou pas
du tout réaliste; il peut ressembler à la chancelière ou la transformer en pantin lors de sa chute sur l’her-
be.

Jochen Kuhn est un virtuose, il tire de son instrument, dont il aime mêler les modes de l’anima-
tion- le papier découpé se lie à la peinture que suit la photographie- divers opus qui pourtant ne s’arrêtent
pas à ce plaisir du faire, puisqu’ils sont pensants.

Simone Dompeyre

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