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Collectif HERMÈS INTERMEDIA
Par Faune, au Centre Culturel Bellegarde
Heart, à la Chapelle des Carmélites
PAR FAUNE e HEART, deux performances dans deux lieux différents.
Trois mousquetaires, ( trois, en fait quatre, comme il se doit, puisque Anna était ici plus qu’une accom-
pagnatrice ), Tonino Poce, Gianpiero Gemini et Valerio Murat, déjà précédemment venus dans ce lieu du sens qu’est
Traverse Vidéo, étaient présents cette année pour deux performances dans deux lieux proches et cependant très
différents, le Centre Culturel Bellegarde et la Chapelle des Carmélites. Plus de cinquante minutes en tout égrenées
avec fougue et maestria, pour ses natifs de la Ciociaria ( accento tonico sulla i, per favore ! ), immortalisée par le
grand Moravia.
De quoi s’agissait-il ? En live, Gianpiero au son, Valerio à l’image, Tonino à la déclamation vocale, les trois compa-
gnons officiaient en une harmonieuse et pourtant hasardeuse complicité pour vingt minutes à Bellegarde, le jeudi,
et une trentaine, aux Carmélites, le samedi. Dans les deux cas et quel que fût le titre ( Par Faune d’abord, Heart,
ensuite ), une même migration progressive de l’abstrait au figuratif, pour l’image, de l’électronique trépidante au mé-
lodique pour la musique et, là-dessus, la voix puissante de Tonino ( complice pour d’autres performances de Giovan-
ni Fontana ) disant un texte aux paroles assénées et sonores – je veux dire qui sont bruits avant d’être sens – mais
dont la signification, précisément, berce l’auditeur de ce qui pourrait s’appeler ferveur humaniste. Nous sommes
cœur, nous sommes nature, nous sommes culture, nous sommes vie, c’est ainsi que je résumerai le propos. Et nous
sommes sens. Peut-être parce que nous sommes lieu ( lieux ? ) ou que nous évoluons dans un ( des ) lieu( x ) et que
ces lieux nous donnent sens. Et cet enracinement fait à la fois notre malheur et notre bonheur : « Stringimi in pugno
/ malinconico spazio / tagliami il cuore. »
Arrachés à l’abstraction, au jeu de géométries variables, nous naissons à ( en ? ) des rives herbeuses
parcourues de lacs et de rivières, des toits regroupés qui font villes, des cascades horizontales de champs de blé,
l’enfilade intimidante ( « Oh ! Bois, vous m’effrayez… » ) de futaies grisonnantes. On termine dans des fêtes sus-
pectes où batifolent des êtres de pellicule que nous avons tous aimés, que nous aimons sans les connaître, sans
croire vraiment qu’ils existent ailleurs qu’aplatis sur l’écran qui nous fascine; on termine encore dans les pas rendus
imprécis et futiles, dérisoirement provisoires, sous la langue peut-être vorace de la mer-mère, la nôtre.
Resterait à dire, puisque les deux propositions sont proches, si les lieux dans lesquels elles furent produites en ont
infléchi le sens. Salle obscure de Bellegarde qui nous rive au « spectacle », qui brutalise nos oreilles, qui ne nous
laisse aucun répit. Volume multiplié de la Chapelle, guirlandes des figures saintes et baroquisantes qui ne s’effacent
jamais tout-à-fait, de l’œil ou de la mémoire, fresque où tout est combiné pour faciliter l’échappatoire ( plutôt vers le
haut, le sens, ici, est obligatoire ).
Quel lieu donne à ces performances d’un soir leur « meilleur » sens ? moins emphatiquement (ou plus)
le « bon sens » ? À chacun de vous d’en décider - en son cœur et au-delà de sa conscience.
Jean-Claude THIRIET
Photos : Beatriz MATIAS
CENTRE CULTUREL BELLEGARDE / CHAPELLE DES CARMÉLITES
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