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Performances Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 88
Clara MACIAS CARCEDO, Imitación a la vida 1, 2, 3 : Fuego, Tierra, Agua, Mex.
Penser qu’il ne s’agirait que d’une variation sur les éléments,
appliquée à la lettre serait n’avoir aucune idée de la force y
compris émotive qui et que mène Clara.
Les éléments dont elle joue avec de lieu en lieu, le Feu à
Croix Baragnon, la Terre à Prép’art et l’Eau au Musée des
Abattoirs, sont autant de métaphores de ce qui meut le
corps, l’anime. Clara serait le microcosme vivant en accord
avec les turbulences géologiques du macrocosme. Elle réunit
ses trois actions sous Imitación a la vida/ Imitation de la vie,
cependant si elle puise dans les caractéristiques des éléments
fondamentaux et dans la mythologie de son enfance, elle les
pense images des sentiments qui nous gouvernent et lors
des trois, se meut ou se démène pour les surmonter ou du
moins en reconnaître l’impact. Elle dit que nous sommes
d’eau, d’air et de matériau/terre, elle sait qu’un feu nous
anime ou devrait nous animer. « Elle s’y met » en une durée
calculée puisque ensemble, les performances captent trois
quarts d’heure pour cette dimension temporelle normée,
condensé de notre vie.
© R.Bourrillon Le feu est certes celui domestiqué de bougies, cent, deux
cents et plus, bordent un espace sous le grand porche
couvert de l’espace Croix Baragnon. Ce périmètre reprend le schéma des longs tapis de présentation des
modèles des couturiers si ce n’est qu’en fond, le lourd et haut portail est fermé et que le côté cour est
limité par une échelle qui, elle aussi couverte de bougies, porte le moulage d’un buste de femme mêlant
les mêmes teintes. Clara est la féminité de magazine, un imperméable doré d’où dépassent les plis
mouvants d’une jupe, des chaussures fuschia au petit talon serti de strass. Laurie Anderson perturbe
cette image avant que la démarche de Clara ne se fasse course, virant au dernier moment, pour se
relancer encore et encore, les cheveux bougeant en cadence de plus en plus échevelée. En espagnol,
chaque minute est comptabilisée jusqu’au quinze canonique et si l’étrange voix masculine ne varie pas,
elle paraît plus lourde alors que le pas ralentit, s’appesantit, que la cadence se marque par le bruit du
talon plus tapé, que le port du visage porte aussi le temps. A quinze, reprenant la maîtrise du tempo,
elle s’approche de l’échelle pour en éteindre les bougies : le rituel s’achève. Le feu passion et vie, animation
et désir, peut détruire mais surtout attiser l’être et la performeuse provoque cet élan vers le vif.
Agua met son corps à l’épreuve différemment de l’idée que nous nous faisons des éléments : le feu est
limite et alors que l’eau connote le calme, le fottement, le sans poids, ce sont des sacs transparents
de plastique, gonfés d’eau, qui pèsent sur son corps ainsi diffcilement reconnaissable, autrement que
par des touches de carnation sous cet amas. Si la terre pèse lourd dans notre esprit avec sa couleur
foncée opposée à la légèreté de la transparence aquatique, les sacs d’humus plus aéré s’avèrent nid
pour le corps de Clara recroquevillé dans un triangle transparent pour le deuxième volet Tierra. Dans
la pénombre de fn de jour, le public craint de lui jeter la terre pourtant meule, des craintes ancestrales
le perturbent ; du silence malgré la nombreuse assistance qui se presse avant que sans mot, l’un ose
- 9. Espace Croix-Baragnon / Prép’art / Musée des Abattoirs -