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Performances Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 84


Jessica ARSENEAU, Mille fois rien, performance ; Lost Idyll, installation, Can.
Traîner, retourner un objet pour produire un déplacement, le maintenir attaché par des cordes pour
ensuite le mettre en pièces, ou le lancer et entasser les fragments ainsi obtenus, ces actions-là, parmi
bien d’autres, participent à Mille fois rien. Cependant, la déambulation elle-même, avant tout, fonde
la performance de Jessica Arseneau ; conjugaison ouverte de tels actes et manipulations insidieuses,
cette action ne renvoie sûrement pas à d’autres circonstances réelles, puisqu’elle constitue en elle-
même une nouvelle circonstance. Cela y prend, d’autre part, un caractère singulier, car elle est perçue
par les spectateurs comme de l’inconnu, du surprenant.
Face à ce type d’opérations, le spectateur n’est cependant pas le seul à vivre cet état d’ignorance et
de curiosité intense, en effet, j’ai l’impression que Jessica, elle aussi, agit dans un état personnel du
même ordre lors de ces actions dont certaines sont retenues dans son installation Lost idyll (cf. p. 109)
qui inscrit aussi, un semblable exercice physique solitaire.

Pour Lost Idyll, la jeune femme tire de tout son corps, un échafaudage. L’échafaudage imposant, heureusement
pourvu de quatre petites roues, est ainsi déplacé le long d’un chemin abrupt alors que rugit le vent. Le
montage alterné la décrit traversant, avec son fardeau, une plaine d’arbres gelés et dénudés ou s’approche,
au ras du sol, de la fragile végétation battue par le vent.
Les points d’arrivée et de départ de ce parcours restent inconnus voire inexistants, même s’il y a déplacement
d’un lieu à un autre, traversée d’un environnement hostile, progression diffcile voire pénible, rien n’indique
vers où. Qu’est-ce que ce qui se réalise là ? Quel sens reconnaître à une telle action ? Dans cet espace
de grandes forêts, Jessica privilégie ce qui est le plus transitoire, là où notre regard recherche ce qui
est le plus permanent pour notre confusion.

Pour sa part, Mille fois rien, loin de nous rassurer provoque le même questionnement, alors que l’espace
de la performance diffère absolument : l’espace de l’ancienne imprimerie du journal local.
Rien n’est annoncé quand commence l’action et aussitôt se succède une première série de doutes.
Cela relève-t-il de l’absurde ou de notre manque d’informations sur ce que nous voyons et entendons ?
Ou est-ce un problème de connaissance ou de sensibilité ?






















© R.Larroque


- 7. Prép’art -
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