Page 166 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
P. 166
Performances
En ouverture, les doigts du Chimist jouant la mélodie au trapboard sont filmés
de manière à être projetés simultanément à leur capture ; doigts pris aux pièges
tangibles, posés sur les touches du « piano », avant qu’ils ne deviennent les trames
sur lesquelles se fonde l’analyse du logo mercien. Très vite, s’exhibe le décalage
entre ce qui est visible sur la scène – le Chimist et sa machine – et ce qui est visible
sur l’écran de projection ; les mains filmées différent des mains projetées. Dès lors,
se pose une question fondamentale concernant le topos ou le lieu de la promenade ;
est-il un piège, un trap dans le triptyque des ChimeEra puisque, dès son premier
volet, la figure du Chimist oscille entre actuel et virtuel, entre prise de vue réelle et
modélisation en 3D, entre espace filmé et espace modélisé. Cependant menée selon
le modèle de l’HyperTAV:Textuel-Audio-Visuel, cette Promenade Mythanalytique
devient un hyper-espace, une sorte d’interface entre un monde actuel, tangible et
un mode virtuel voire une hyper-promenade dont le parcours non linéaire dessine un
réseau dont les noyaux interconnectés s’avèrent des traps, des pièges à résoudre,
ceux-ci s’avérant eux-mêmes textes, images, statues, paroles.
Ainsi le corps même du Chimist
se dissout-il à cette frontière du
chaos1, à ce point de transition
entre le réel actuel de l’artiste
performeur et de son audience et
un réel virtuel en image projetée
de l’artiste performeur sans son
audience, mais avec les avatars
de ses accompagnateurs ; cette
figure, avatāra, regagne-t-elle, ainsi, son statut mythologique interfaçant le monde
divin avec celui des mortels. Vêtu de sa combinaison à damier noir et blanc, connotant
l’échiquier tant aimé par Marcel Duchamp – déjà invité par l’implication première de
la signature « Mutt » – tout en faisant signe vers le damier, mode de transparence
des mondes virtuels, le corps performatif/actant se dilue. Une manière du Chimist de
se placer hors-champ ou plutôt hors cadre de son audience, en exerçant ainsi une
« hors-champisation » – néologisme proposé par le protagoniste-même désignant
non seulement et simplement le positionnement hors-champ (qui, par ailleurs, est
ici fautif puisqu’il s’agit d’avantage d’un positionnement hors cadre), mais évoquant
aussi l’idée d’une « hors-duchampisation ». Cette reprise dans cette Promenade
Mythanalytique fait écho à une pratique antérieure de Paul Jacques Yves Guilbert,
intitulée LoveLoop, qui reprenait, quant à elle, un court fragment de Philadelphia Story
de George Cukor – lorsque C. K. Dexter joué par Cary Grant repousse Tracy Lord
1 Espace de transition entre ordre et désordre.
166