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Performances
banque imprimés à son effigie/métier. En filigrane, sans passer aux mots, elle dénonce
la force de l’argent, dans le domaine artistique outre la relégation du féminin.
« Ecce femina/Voici la femme » plagie le « Ecce homo » attribué à Ponce Pilate,
par L’Evangile selon Saint Jean, lorsqu’il présenta au peuple, avant sa crucifixion,
Jésus ayant été battu et couronné d’épines. Avec ce titre, elle se risque à la réaction
de ceux qui lisent potentiellement plus virulente que celle amusée ou dédaigneuse de
la rue qui ne verrait que le/la clown. Elle touche la religion pilier de sociétés… ou en une
lecture antagoniste et néanmoins complémentaire, elle invite la pensée nietzschéenne
dont le dernier ouvrage porte en provocation cette formule comme titre. Le philosophe
y attaque la morale chrétienne qui englue la civilisation. Il l’écrit en autobiographie non
pour que se connaisse sa personne personnelle, ni que se distingue un moi rationnel
mais en auto-exposition de sa pensée comme acte corporel, puisqu’elle ne peut se
développer sans précisément le corps. Il n’y suit pas les modes de clarté attendue
mais leur préfère le biais, le décalé, la parodie, très sciemment, il s’y dit le clown de la
pensée : « peut-être suis-je un pitre ».
Ecce femina n’a sans doute pas la prétention de faire ouvrir
les ouvrages philosophiques mais ce syntagme n’est pas
plus innocent que ne l’est l’option de la clown féminine en
terrain artistique, renversant l’attente du spectacle pour
enfants. Sophia le sait, pour preuve, elle opte pour l’hapax
quand elle désigne diversement, en plusieurs formulations
son travail comme « autroportrait ou autre-au-portrait
(ou autres-aux-portraits) ».
Elle le dit en jeu de mots, elle le fait en figures du comique.
Castigat ridendo mores/Elle corrige les mœurs en riant, cet
aphorisme du xviie siècle, connu pour sa reprise par Molière –
quand « elle » remplaçait « la comédie » – s’attribue aisément
à cette vague de femmes clowns qui exhibe en ridicule et
risible, cette distinction que d’aucuns défendent comme voulue par un Dieu, que
d’autres disent « naturelle » et biologique, à seule fin de garder la domination d’un
masculin fantasmé sur un féminin fantasmé. Les mœurs sont culturelles. Elles se font,
elles peuvent se défaire en défaisant les images qu’elles ont essaimées en pensées
obligatoires. Le « Les femmes [ont été] élevées comme des saintes et traitées comme
des pouliches. » de George Sand avec un humour noir assuré, attaquait cette
discrimination. George Sand, qui, sous son pseudonyme écrivit, participa au politique
et sinon accessoirement, en pionnière, s’habillait en homme. Elle l’osa au xixe siècle.
Au xxie, les femmes doivent pourtant encore revendiquer de tels droits.
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