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Performances       photo : Thibault Gaugerenques

en one-woman-show, s’engagent plus nombreuses dans cette transgression de
l’activité réservée à un « genre » ; qu’elles y accentuent les stéréotypes de la féminité
ou inventent des personnages de remise en question dans des attitudes de refus de
cette « bienséance ». Elles se font paroles en acte et en corps et dans la dissonance.

La femme en clown joue à être femme selon les normes édictées, qu’elle et son corps
s’y conforment, les explicitent jusqu’à la caricature ou font mine ne pas y parvenir.

Elle joue le corps grotesque, se travestit plus qu’elle ne s’habille, en vêtements
«  discordants  » de couleurs fluo, avec sur le corps des épaisseurs ajoutées, avec
une coiffure trop bien peignée et laquée ou arbore une perruque des plus visibles ou
franchement en désordre, autant d’inversions de l’esthétique normée.

Sophia El Mokhtar emprunte cette voie, elle sur-joue en posture caricaturale,
grotesque des comportements féminins ; plus encore, elle redouble l’exhibition
des stéréotypes en y assemblant le critère social. Ses propositions incluent des
professions « réservées » jusque-là comme – et si éloignées pourtant – « madame
pipi » ou « patineuse » et portant si éloignées, et qui, depuis peu partagées avec le
changement de la désignation du métier, lorsqu’elle passa de « femme de ménage »
à « technicienne de surface ». Elle se « fait » aussi autre figure non acceptée pour la
femme, dans le domaine de la foi, de la croyance, de la direction de pensée en religion :
la curé et elle y garde exceptionnellement l’appellation au masculin tant le féminin
serait dévastateur tout en usant de la forme féminisée sachant que le sémantisme
est porteur de l’idéologie voire la façonne. Le nom des métiers reconnaît en cette
déclinaison la – restriction de la – place des femmes, leur implication sociale. Ainsi
orthographie-t-elle les métiers tolérés, dans le siècle dernier, pour les femmes dans
les sphères de l’art, avec le -e et le déterminant au féminin : la cheffe d’orchestre, la
galeriste…

Elles ont été performées dans la cour d’un lycée, dans
la rue, dans un cinéma, en écho avec chacun des lieux :
la jeune artiste à l’international, la galeriste ou la jeune
mécène. Et les actions incitent à l’attention par le comique
révélateur ou un plaisir censément innocent.

En pantomime, Sophia dénote le métier ; ses gestes
comme son accoutrement le parodient. Cela conduit à
une certaine autodérision puisque ils intègrent des métiers
artistiques ou proches de l’art et dès lors de sa propre
pratique. Elle ne se déplace pas sans sa valise malgré ses
talons hauts, et ne se retourne pas vers les passants sauf
si sa fonction le lui réclame pour leur tendre des billets de

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