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Performances                                                                                  photo : Thibault Gaugerenques

Sophia El Mokhtar, La Jeune mécène / L’Artiste à l’international /
La Galeriste

performances itinérantes | Région Occitanie, France

« Une certaine laideur délirante m’a toujours fascinée. Les choses qui sont perçues comme
peu séduisantes et peu désirables me semblaient particulièrement intéressantes. Cela dit, je
trouve ces choses réellement laides. », Cindy Sherman.

La formule « Clown en art » entraîne
immanquablement une référence, celle
d’Ugo Rondinone, puisque, dès 1996,
il en convoque la figure dans Where Do We
Go From Here, où quatre d’entre eux, loin
de tenir leur rôle d’amuseur, s’agitent dans
leur sommeil à même le sol de la galerie
d‘exposition. Très récemment, en octobre
2017, ce sont quarante-cinq sculptures, en taille humaine, de clowns dans des activités
ou manières d’être du quotidien aussi bien cuisiner que lire, dormir/rêver que bâiller.
Leur visage identiquement maquillé de blanc n’occulte pas qu’ils sont originaires
des divers types raciaux africain, asiatique, caucasien… en habits très colorés, ils
ne secrètent pourtant pas la joie attendue d’eux. Boltanski, quant à lui, a pris en
modèle, pour Portrait de l’artiste-Boltanski-en clown – titre programmatique – l’artiste
de cabaret Karl Valentin, 1882-1948, dont les sketches absurdes se souvenaient du
dadaïsme pour questionner la condition humaine jugée dérisoire.

Deux œuvres, trois artistes masculins. Le clown est marque du masculin, alors que
ne s’autorisaient à la femme ni la grimace ni les contorsions autres que sensuelles.
Le clown est preuve de cette distinction régnante des possibilités accordées selon le
« genre » : « sois belle et tais-toi ».
Cependant Orlan renversa le protocole et les motivations de la chirurgie esthétique,
et investit, en dirigeant une suite d’opérations faites à son propre corps, l’histoire de
l’art. En empruntant ces icônes, elle démontrait la force des modèles, des prototypes
esthétiques, ce qu’elle continua en recourant au numérique pour ses portraits
photographiques, en image jamais achevée dont elle se veut maîtresse.

Cependant Cindy Sherman qui empruntant les codes du grotesque allait dans le
sens du clown… Cindy Sherman, en preuve par l’absurde, de l’emprise des canons
de la beauté féminine, les contrarie ; elle s’affuble d’accessoires qui les écrasent  :
fausses dents comme cicatrices, déformation de parties du corps ou enlaidissement
du visage en grimaçant ou de son corps en prenant des poses le désavantageant.

Après elles deux, désormais des performeuses, parallèlement à des humoristes

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