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Installations  Musée des Abattoirs

comme « la véritable rétine du savant ». Selon Jules Janssen, qui prit de nombreuses –
6 000 – photographies du soleil et la majorité depuis l’observatoire de Meudon.

Lights of its History suggère la quête de la lumière, du savoir, de la compréhension
de la roche et se nourrit d’images scientifiques. Outre les stéréogrammes de rochers,
il recueille des photographies de blocs erratiques, ces fragments à la taille notable,
déplacés parfois sur de longues distances par les glaciers et abandonnés lors de la
fonte de ceux-là, mais aussi des rocs venus de Mars selon son générique.

Les premiers datent du xixe siècle. De petit format arrondi en leur sommet, ils intègrent
parfois des contemplatifs, en haut de leur roche, dans la forêt, la montagne ou en bord
de mer, qui servaient aussi d’étalon de la taille du roc. Les images bleues de la pierre
qui tourne d’elle-même, douée d’animation, connote le hors temps et l’impossible à
cerner.

La quête plus actuelle, à travers la forêt des blocs, induit le présent de l’investigation :
le changement d’échelle dû à l’éloignement ou au plus grand rapprochement, les
différents axes transforment l’objet immense, strié par les ombres des arbres, couvert
par endroit de plantes, contourné, atteignable à la main et disparaissant après un très
gros plan.

Ce désir de cartographier le temps à travers les éléments tangibles, durables d’ici
et d’un très loin ailleurs, ne se restreint pas à connaître, « its History ». Le discours
vidéographique déborde ce champ « sec » en deux registres.

D’emblée, en contrepoint, des intertitres citent
The Story of an African Farm, roman rédigé
en 1883, qui fit scandale à cause des idées
progressistes de son auteure, Olive Schreiner.
Les quelques courts fragments empruntés
rapportent une conversation concernant
l’appréhension des rochers, décrits comme
étranges – en écho du rocher stéréographié appelé « éléphant » – ou dotés d’une
attirante physionomie créée par ses trous et crevasses mais s’y énonce aussi le
constat de n’atteindre jamais la vérité1. Cette assertion pourrait surprendre eu égard
au type de photographies retenues, mais elle va dans le sens du projet qui n’est
pas de science exacte mais projet de l’humain. La musique ambiante pose cette

1 « Look down in the crevice at your feet », they said. « See what lie there, – white bones! As brave and strong
a man as you climbed to these rocks. And he looked up. He saw there was no use in striving; he would
never hold Truth, never see her, never find her. » / « Regardez dans la crevasse à vos pieds », disaient-ils.
« Voyez ce qu’il y a là, des os blancs ! Un homme aussi courageux et fort que vous, avait escaladé ces
rochers. Et il a levé les yeux. Il a vu qu’il ne servait à rien de s’efforcer à continuer ; il n’atteindrait jamais la
Vérité, ne la verrait jamais, ne la trouverait jamais ».

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