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Musée des Abattoirs  Installations

Alex Ingersoll, Lights of its History

6min40 | États-Unis

« Des milliers d’yeux avides se penchaient sur les trous du stéréoscope comme sur les lucarnes
de l’infini », Baudelaire, Le Public moderne et la photographie, 1859.

                                                     Sans retracer l’histoire de la stéréoscopie
                                                     ni remonter à Euclide1 ou à Leonardo qui
                                                     s’y insèreraient pour s’être intéressés aux
                                                     principes de la vision binoculaire, ni retracer
                                                     son parcours avec une première fabrication
                                                     pour donner du relief à des dessins –
                                                     expliquer ce qu’elle est, cette technique
dont le nom étrangement rassemble le solide/stereos au voir/scopein. Et ce, puisque
Lights of its History cite des stéréogrammes du Musée Getty, les préférant aux images
spectaculaires de la nature.

L’appareil de prise de vue prend du même sujet, deux photographies sous deux
angles très légèrement différents en correspondance avec l’écartement des yeux.
Le procédé fut mis au point, au début des années 1850, par Daguerre à Paris et
Talbot à Londres. Il requiert un stéréoscope pour le visionnement, soit un appareil
binoculaire. L’Exposition Universelle expose le modèle à lentilles, inventé par l’anglais
David Brewster et construit par un opticien parisien, Jules Duboscq ; c’était en
1851 et cela connu un tel succès que l’un des distributeurs anglais de plaques
stéréographiques en vendit plus d’un million en 1862, avec son slogan « Pas de foyer
sans stéréoscope ».

Aucun thème n’est évité : nature morte et paysage naturel, portraits, bestiaire,
cérémonies... alors que la stéréoscopie ouvre la voie au quotidien comme à
l’événement et n’exclut pas les scènes déshabillées qualifiées chastement de « nu
académique », ce qui n’empêcha pas son désaveu par la bourgeoisie triomphante,
apparemment de bonnes mœurs.

Cependant, elle augurait d’autres pratiques grâce à son instantanéité, celle du
reportage y compris de guerre mais aussi celle de l’image savante et de l’usage
scientifique.

Aux images nées de cette facilité d’emploi et aux cadrages de guingois, images
floues, répondent des images commandées des monuments historiques, des images
commandées comme preuves scientifiques quand la photographie est considérée

1 Au iiie siècle A.P., le géomètre grec Euclide définit le principe de la vision en trois dimensions : « Voir le
relief, c’est recevoir au moyen de chaque œil l’impression simultanée de deux images dissemblables du
même sujet ».

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