Page 214 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Installations Musée des Abattoirs
de nom propre, n’y déroge pas, puisqu’elle exprime « le voyage d’une femme à
travers le chagrin ». La performance éponyme s’actua dans le lieu où s’est filmée la
vidéo-performance : blanc, brillant, étroit et fermé, en sa faible profondeur du champ
avec une porte. Jill Guyon suit la ligne générale, vêtue d’une robe noire cachant ses
genoux, ornée d’un drapé complexe qui se déploie au cours de ses mouvements, en
longue ceinture ou en voile étroit à manier.
Un plan poitrine privilégie la vision de son visage à la carnation aussi claire que les
cheveux sont noirs de jais ; il joue la féminité séductrice sans vulgarité, regard incitatif,
première esquisse de sourire, bouche très légèrement entr’ouverte puis sourire léger.
Décourageant toute attente, elle descend jusqu’à disparaître du champ qui rosit alors
qu’elle revient profitant de ce teintage rouge…
Son avancée vers la parole corporelle passe par diverses étapes, ainsi le plan suit son
pas, pied après pied, chaussé de vernis à petit talon qui quitte à nouveau le champ.
Puis il décrit les plis de la robe alors qu’elle avance jusqu’au premier plan et, dès lors,
à la limite de la netteté, avant un noir.
Au retour, sa main entre dans sa jupe pour en tirer une assiette de porcelaine blanche
qui, bientôt, chute avec son bruit. La délicatesse attendue d’une femme et la réserve
d’une veuve sont contrecarrées, désormais le corps dit : Jill Guyon se renverse en
position de pont, visage au plus près du champ, elle darde son regard, le tissu sous
lequel se devine le bras qui le tient est approché du mur, le tissu devient flot, serpentin,
elle le dirige, danse, s’en entoure.
L’image obéit à ce réveil, surimpression, inversion du haut et du bas, flicker, image
noire, éclat de lumière. Et cette métamorphose attire celle de la voix féminine en off qui
vocalise, soupire, aspire et respire, halète, crie et chante en liberté de femme dont le
corps fait du veuvage un moment en solo d’elle à elle, loin des contraintes imposées.
Simone Dompeyre
Mikel Otxoteko, Jaula de Pájaros
20min | Espagne
Jaula de Pájaros/Cage aux oiseaux est la dernière phase de mon projet Dance & Drill,
débuté il y a quatre ans et dont Traverse Vidéo a déjà programmé quelques pièces1.
Tout mon travail aborde la relation étroite et ambiguë qui se noue entre deux types de
dynamique, opposés seulement en apparence : la danse et l’instruction militaire. Ces
modalités seraient, en fait, toutes deux impliquées dans le processus de constitution
d’une identité de groupe.
1 Dance & Drill programmé en 2016 (cf. p. 104 du catalogue de cette année-là), ainsi que Circulo de
animales programmé en 2017 (cf. p. 69 du catalogue de cette année-là).
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