Page 227 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Decazeville Installations
travaux dont, cependant, la couleur jaune se fait l’écho de diverses menaces
découvertes en plan rapproché, décrites sur divers éléments mais encore, jamais sur
l’homme.
Subreptices puis plus fréquentes, plus visibles et envahissantes, elles marquent ce
monde calme et aux couleurs topiques de jours d’été, de points, comme une maladie
insidieuse avant de l’effacer sous les aplats de jaune, qui après une première tentative,
achève le triptyque. On regretterait que le E11_X correspondît dans la nomenclature
des colorants alimentaires à l’orange et non au jaune.
L’artiste dit « s’inspirer des premiers classiques de série B de science-fiction tel que
L’Invasion de profanateurs de sépultures. » Ce qui engage à rappeler sa ligne narrative :
Miles Bennell, médecin d’une petite ville, voisine de Los Angeles constate que ses
habitants, peu à peu, perdent toutes leurs capacités émotives avant de découvrir que
des extraterrestres s’emparent, pendant la nuit, du corps de ses concitoyens. Rien de
tangible, peu à peu, le mal se glisse, par téléphonie et par insidieuse atteinte.
Des plans empruntent à d’autres films de ce genre, ceux ambivalents de criquets.
D’abord insecte à sa tâche sur brins d’herbe, autre indice de l’été, encadré par des
plans d’atmosphère sereine, en changement d’axe, il est agrandi au gros plan, encadré
par des plans d’ensemble où l’humain est minuscule ; enfin, en très gros plan, sa tête
occupe le champ, revenant à ces scènes de ravages que d’autres séries B ont aimé
développer à l’excès, dans la période de guerre froide comme métaphore de l’attaque
venue d’ailleurs, d’un ailleurs très précis.
E11_X préfère une propagation du mal susceptible d’annihiler le monde, bien moins
évidente ; il se fraie son chemin, depuis la naissance d’excroissances jaunes jusqu’aux
moisissures visqueuses, cellule individuelle puis, pour plus de dégâts, agrégats
reproductibles. En subreptice, il n’est pas saisi par l’humain accroché aux plaisirs
seulement apparents du téléphone qui ne fonctionnant que par ondes, le contamine
aisément.
Le travail de Tessa Garland tente de rendre conscient sans heurts, ce monde qui est
le sien et qu’elle aime. Elle glisse des marqueurs d’autres lectures – comme celle de
la science-fiction des années 1950-1960, parce qu’ils réclament très logiquement un
travail de la conscience pour être saisis.
Pour Here East réalisée par Tessa Garland et programmé aux Rencontres, cf. p. 60.
Simone Dompeyre
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