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Projections  Cinémathèque de Toulouse

du travail en physique. L’erreur serait-elle provoquée par le précédent travail, alors
que celui-ci, le travail W – une énergie mécanique – consiste en un transfert d’énergie,
ayant pour seule cause le déplacement d’une force. Ce qui implique que la force ait
un potentiel.

Étrange préambule si ce n’est que ce travail performatif qui travaille le médium
vidéo, forme un réseau de ces signifiés puisqu’il est porté par une décision première
qui pratique la théorie de Judith Butler, celle-ci établissant le lien entre les notions
d’identité, de genre sexué – son gender – et la performativité.

La philosophe américaine revisite la pensée de Derrida sur le processus citationnel
qu’il juge constructif de l’identité. Elle argumente que le genre est une forme acquise
par des processus imposés par la société et l’idéologie dominante et non un caractère
lié au biologique. Ce qui est performatif puisque créé par un processus : « on ne naît
pas femme on le devient », écrivit Simone de Beauvoir. On devient homme ou femme
en répétant des comportements dictés selon une différenciation homme/femme, alors
qu’à cette distinction des rôles s’adjoint la hiérarchisation d’un « genre » par l’autre.

Isabel Pérez del Pulgar ne se déguise pas en conférencière qui exhiberait ou
caricaturerait une telle imposition, piste suivie actuellement par des performeurs de la
parole ; elle poursuit son travail artistique en endossant un genre longtemps restreint
à l’homme, le burlesque dans l’acception française du comique des films premiers ;
elle le fait différemment de diverses artistes « femmes » qui, désormais, revendiquent
la figure du clown et du grimage1.

Elle emprunte, en réalité, à deux mondes celui du cinéma des années 1920, quand
l’invention d’une figure du comique : Keaton, Chaplin, Sennett, Linder passe par celle
du mouvement du corps et du costume voire du maquillage pour le lunaire Harry
Langdon et celui du mime dont le langage est corporel, ce à quoi le costume doit
aider.

Du film, l’effet pellicule, des amorces réitérées parfois sur le plan et le recours au
footage, fragments de danse gogo de 1955, de striptease de même époque, de
jeunes étudiantes en uniforme sportif prêtes à être pom-pom girls, ou fragments de
cours de bienséance. Le fonds Prelinger témoigne, simultanément, de tels codes de
beauté, de socialité et de telles prises de vue.

Du burlesque, l’effet pianistique avec point à point ou circularité du même accord ;
le petit choc sonore précis repris… Du burlesque, le corps qui se détache du lieu,
comme le ferait une silhouette sur fond noir afin d’en rendre lisibles les mouvements.

La performeuse accepte une telle gestuelle insolite car exagérée mais fortement codée
et démonstrative. Son burlesque n’est pas vain, il attaque l’imposition des rôles.

1 Pour les performances de Sophia El Mokhtar, cf. p. 167.

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