Page 30 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Projections Cinémathèque de Toulouse
Chacun des moments est signifiant en
lui-même. Il est subversion de l’attente.
Femme au foyer, joliment vêtue, elle prépare
le poisson mais les viscères enlevés gagnent
la taille de ceux du corps humain et sont
filmés en gros plan couleur réaliste ; loin de
les jeter et de « s’en laver les mains », elle en
frotte son visage avec force et plaisir.
D’abord, enfant sur l’escalier, elle les
monte rapidement pour les redescendre
laborieusement comme si, handicapée, elle
devait plier sa jambe afin de faire rejoindre la
marche inférieure par son pied et ce jusqu’en bas.
En collant noir et gants blancs, dans la rue, elle gigote sur place sans but avoué,
échappe à des poursuivants toujours absents, s’inquiète tête levée vers le toit de
la chute d’un objet qui ne se produit pas et regarde, dans les trois trous ménagés
dans la palissade – pratique de voyeur que Cartier Bresson a capté comme l’un de
ses « moments décisifs » ; pratique appréciée et déléguée aux hommes par les films
« à la serrure » pour voir le déshabillage de la mariée ou les baisers…
Le hors-champ de META_W n’est pas une réponse à de tels désirs.
Il décline les rôles attribués à la femme, les ponctuant en leitmotiv, d’un gros plan
d’une poupée ancienne au visage « maquillé » et aux bras animés par pixilation.
Il décrit les opérations esthétiques que la femme endure pour correspondre aux
canons esthétiques. Loin de l’ellipse qui bénéficierait à l’image du résultat, le
montage précise l’acte ; il réitère des plans descriptifs, en plan rapproché, des gestes
opératoires : rhinoplastie triturant la narine ; de chirurgie de réduction du ventre ou de
transformation des seins ; les outils et instruments divers de coupe, sciage et autres
à usages « féminins » bénéficient du champ total pour leur inventaire démonstratif.
Le montage alterné rapproche, en plan moyen, la performeuse, en collant et soutien
gorge couvrant des années 1950 et usant de procédés ridicules pour atteindre la
beauté imposée : rembourrage des bonnets par du papier froissé, entourage des
cuisses, des fesses, des rondeurs par du film alimentaire. Elle doit tirer, se contorsionner
mais fait mine d’être ravie du résultat quand elle ne suffoque pas, ayant aussi enfermé
son visage. Les volets se ferment sur de tels efforts et réduisent le champ.
D’autres films sont empruntés découvrant ce pour quoi, on demande aux filles d’être
« belles » ; pour divertir l’homme, la stripteaseuse souriante dégrafe son corset, ce
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