Page 33 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Cinémathèque de Toulouse Projections
Ainsi dans le jeu – avec ce pince-sans rire « I am sorry, I apologize » glissé
subrepticement au cours du flot de DizzyMess – c’est la virtuosité d’une réalisatrice
qui sait que tout élément du film est métonymique de son propos.
Simone Dompeyre
Jean Sadao, HEISEI 28 (or one the fake and praised death of the ink)
16min15 | Japon
Heisei 28 ou Japon, 2016 puisque Heisei est le nom de l’ère actuelle du Japon,
depuis 1989, date à laquelle l’empereur Akihito succéda à son père Hirohito,
28 correspondant à notre année 2016 ; « Heisei » porte le désir de paix, celui de
« l’accomplissement » de la paix. L’action menée dans/pour cette vidéo performative
s’inscrit fortement dans la réalité de la ville contemporaine tout en s’en éloignant,
d’emblée, par l’option du noir et blanc. Elle le fait en s’actuant sur une terrasse ouverte
sur les grands immeubles de Tokyo où, dès l’incipit, une jeune fille se maquille face à
un miroir posé sur une table, à ciel ouvert, avant d’être rejointe par une puis deux puis
trois autres personnes, comme si elles étaient en deux lieux parallèles. Leurs divers
comportements s’éloignent de l’attente jusqu’à se lire en métaphores de la pensée
japonaise, tant des gestes inattendus conduisent des lectures au-delà. La jeune fille
peaufine, tout au long, le maquillage de ses yeux, recourbant les cils, dessinant le
contour des paupières comme absente de toute autre préoccupation. Après s’être
assise, elle glisse sa main sous sa jupe, jusqu’au bas de son ventre, et l’en retirant,
elle y constate un liquide qui pourrait être du sang mais que l’implication du second
performeur, l’artiste Jean Sadao, lui-même, ainsi que le titre reconnaissent comme de
l’encre noire. Cela réveille l’écho d’un des chefs-d’œuvre de la littérature japonaise
du xiie siècle, le Hojoki du poète-ermite Kamo no Chomei, dont le titre peut se traduire
comme Notes de ma cabane même si le texte énonce les tremblements de terre, la
famine ou les incendies.
Les pages d’une
édition moderne sont
tournées par le performeur,
visage imperturbable, pendant
qu’une voix off dit le caractère
éphémère des choses et la frêle
condition humaine jusqu’au mot
« silence » qui, lui, provoque la
chute au sol du performeur.
Inverse aux mouvements
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