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Cinémathèque de Toulouse  Projections

sous vêtement contraignant pouvant servir au fétichiste lui fait face, en symétrie dans
le plan. La danseuse du ventre, bouts des seins ornés, elle aussi se contorsionne,
en un plan réitéré, à jamais condamnée à plaire, à s’efforcer de plaire, en musique
endiablée comme elle !

L’autre versant du rôle féminin, dévolu par ailleurs à une autre classe sociale, concerne
le bien savoir se tenir – META_W pose ce second modèle mais ne développe pas la
question sociétale de la cible, le propos est la féminité que l’on impose, que l’on peut
grossièrement résumer, en la femme mère ou en la pute. L’alternance des plans des
deux types de sources du footage le signale : numéros de cabaret ou cours de bonne
conduite.

Une suite de petites filles avec beau nœud dans les cheveux et mignonne robe, visage
légèrement penché refuse une géographie sociale, puisqu’elles flottent dans un sans
lieu aux bords flous. Flotte de même, en gros plan, un visage au chignon strict et
parlant, sans que ses mots soient audibles ; elle entre dans son rôle d’enseignante
alors que le champ ouvre le plan moyen pour la voir s’asseoir ainsi qu’il convient ; elle
est la deuxième à montrer le geste juste puisqu’aux sportives en gilet marqué d’une
université ou d’un club, est montré comment tenir un ballon avec grâce.

Face à elle, des rangées de jeunes filles, réagissent comme les fillettes, différemment,
plus ou moins dubitatives, du moins par le regard, la mimique mais les mains bien
vernies reposent croisées sur les genoux couverts de la jupe.

Elles sont l’accalmie que refuse le tempo trépignant de META_W.

Elles sont source de la fureur qu’Isabel Pérez del Pulgar n’excite pas dans le réel
mais excite en œuvres, prises de position métaphores ; elle ne se fait pas opérer à la
Orlan pour dénoncer le poids social injonctif ; elle ne se transforme pas à coups de
logiciel, ni n’avance masquée ; elle n’invente pas de monde meilleur, elle attise ici un
« rire gendré » en corps burlesque, là une parabole de la condition féminine, là une
poétique en corps chorégraphique.
Elle n’adopte pas le masque/persona romain porté par les acteurs, pour être déesse
ou une autre qu’elle, elle détache et se détache des modèles imposés et elle
atteste, dans sa propre langue, que la formation de soi est processuelle, en acte/s,
performative.

Traverse Vidéo a programmé d’autres œuvres de la même artiste : La Reina de la casa (cf. p. 134),
Elemento Inestable (cf. p. 135) et Acciones Nómadas (cf. p. 210).

                                                                           Simone Dompeyre

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