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Installations Prép’art
répondent aux mouvements sur l’image, quand des rangées d’arbres sont remplacées
par d’autres par poussée latérale. En chants choraux féminins, s’exaltent des
changements des saisons sur les marais, qui n’obéissent pas à la climatologie mais à
une variation de palettes des tableaux successifs. Un intertitre amorce cette décision
picturale « peinture » s’écrit avec l’arabesque écho de l’écriture de l’homme du xixe
siècle, et en gascon.
Les couleurs chantent le lieu et le déréalisent pour des paysages rêvés, hors temps :
un effet de surexposition efface les contours, les feuilles au sol blanchissent hors
raison, les troncs de l’explicit passent au noir et blanc, inversement, au plus près,
les éléments rougissent sous la respiration entendue ; le champ devenant nébuleuses
légères, plus tard sans changement discursif, couleur bleu zébré de blanc alors
qu’une voix se détache, répétant un mot de nulle langue.
L’orchestration est audiovisuelle : les timbales, avant la mélodie instrumentale,
amorce le bruit de l’eau coulant qui passe au premier plan et les images sont fluides
sans nécessité que se décrive le ruisseau en image. Des notes répétées, nettement
distinctes, appuyées soutiennent la douleur de devoir écrire « La Lande n’existe
plus ».
Le palimpseste serait de vie : qui parle, ici, le
landais du xixe ou le réalisateur/photographe
du xxie ? La trace de l’humain passée est
dans la citation des textes d’avant, le souffle
et le chant actuels. En coda, elle se lit dans la
métonymie de l’activité indispensable à la
connaissance de son pays, la marche par le
bruit des pas sur les graviers, cheminement
partagé par les deux hommes. Alors à
nouveau, les petites fleurs simples d’ajonc, de genêt se superposent aux arbres avant
de disparaître en ce fondu qui revient à la lande et aux mots d’amour du poète à ce
pays : « à ma lande, ma terre chérie. »
L’itinéraire photographique décline ce même hommage, en sourdine, il dessine
un passage entre des moments prélevés, alors que s’y préserve cette espèce de fluidité
qui conduit l’évocation en film. Autre forme de cinéma élargi. S’y reconnaît le désir
du matériau, de sa poétique, de la texture. Très loin d’une image lisse aux contours
arrêtés, ce sont des halos, des effacements des bords, des taches et éblouissements.
Chaque image est cependant encadrée de noir comme pour en retenir l’effacement,
la dilution dans la non image, dans la perte. Elle se numérote ainsi que le faisait
l’ancêtre en Lanas et dans la même conjuration de l’oubli.
Elles font sillage comme le parfum s’émanant de flacons magnifiques pour celui qui
sait percevoir.
Simone Dompeyre
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