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Prép’art Installations
Alican Durbaş, Soil
17min20 | Turquie
Soil explore l’aliénation du monde sur le
corps d’un soldat mort, questionnement
réitéré de Three Soldier Stories, sa trilogie
Mirror et Wall & River. Aucun des films
ne donne de référents d’appartenance
ethnique, régionale ou historique du
soldat ; pas d’autre information que celle de
la confrontation du soldat avec sa mort.
Pour ce premier film, en polyvision de neuf
écrans, Soil adopte le parcours d’un jeune homme parti déposer une poignée de
terre sur la tombe d’un soldat mort, qui se serait lui-même enterré. Le format, écho
du récit, rassemble les étapes de son cheminement, puisque, où qu’il aille l’odeur
de la terre reste la même. Devant ce cadavre, le soldat saisit que ce corps lui a
appartenu – du moins à un moment de sa vie – et inversement. Une telle situation
incompréhensible atteint son acmé lorsque le soldat mort revient dans le monde
qu’il a quitté et qu’il re/noue un lien avec une personne qu’il avait connue dans
son passé.
Les trois films partagent le même point de vue formel : la polyvision en neuf champs
égaux de Soil décrit simultanément des actions-clés alors que le film à venir, Mirror,
pour un mono-écran, devrait se filmer en une seule prise continue ou peut-être
avec des coupes, et adopter un point de vue subjectif. Quant au dernier projet de la
trilogie, Wall & River – alors que ses séquences devraient se refléter synchrones sur
deux écrans – il doit opter pour une écriture art-vidéo à deux canaux.
Parallel Videos of Ferryboat Trips, l’une de mes précédentes vidéos, a relancé ma
fascination pour la question plastique, qui a contribué au lancement du projet Soil.
Devant rendre compte d’un trajet de 49 minutes en ferry, la vidéo se lit comme
l’enregistrement d’un fragment de voyage alors même que le ferry se rend d’un quai
à l’autre. Pour provoquer une vision fragmentée du voyage, j’ai divisé la prise de vue
en segments d’une minute et ai opté pour un écran de 49 pièces.
Pour Soil, j’ai retenu deux processus différents – la polyvision et la boucle – pour
le récit de cette action unique de ce jeune soldat qui enterre son propre corps.
Les scènes affichées de manière synchrone sont réitérées en une boucle infinie :
l’étrange action est prise dans un cycle éternel.
L’axe de prise de vue est constant à hauteur du regard. Le spectateur est supposé
éloigné du lieu réel des actions, en écho à la distance calculée par le Quattrocento pour
construire la perspective et garantir une composition objective, non réductible à
l’autorité d’une perspective unique.
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