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Installations  Prép’art

On comprend ainsi que, bien qu’il soit possible de percevoir la matérialité qui
constitue la réalité, la perception de la réalité est médiatisée/influencée par le temps
et l’espace à partir desquels on reconstruit ce que l’on éprouve comme réel. Dans
Almost Nothing: So Continues the Night, c’est grâce au langage de la lumière que l’on
apprend et appréhende la réalité à partir des images obtenues du jeu entre ombres
et lumières.
La lumière y devient un élément clé pour connaître et construire la réalité à partir
de chaque plan composé dans le jeu constant avec l’éclairage. Dans cette façon
d’aborder la construction de la réalité et, par conséquent, de la production de sa
connaissance, émerge l’idée que la pensée est cadrée par les limites du langage. La
constitution de la réalité vient de la capacité de communiquer et, par là même, de
ses limites.
Cependant, il est clair que certaines parties de la réalité ne peuvent être appréhendées,
étant donné que notre capacité à savoir est conditionnée par nos sens. Ce qui nous
dépasse fait partie d’une réalité plus grande à laquelle nous n’arrivons pas souvent à
donner sens ; cela le film le décrit dans le contraste de la matière et du vide.
Dès lors, les images du film font allusion à la condition dichotomique de la réalité entre
matière et vide, entre création et destruction. On comprend que pour créer ou pour
désirer créer, il faut partir de l’action de destruction précédente. L’expérimentation
visualise et s’exprime dans l’image de la détérioration de la matérialité, qui symbolise
le double acte de destruction et de création, expérimentant de nouvelles images qui
rendent compte, en particulier, de nouveaux aspects de la réalité liés aux processus
de destruction et de création du réel.
Cependant, comme l’expriment les narrateurs, le film résiste à la complète
destruction, ce qui suggère l’idée de résistance face à l’action transformatrice. Il
s’agit, dès lors, de rendre compte de la résistance des images, de la résistance du film
en tant que support d’enregistrement, de la résistance du cinéma en tant que moyen
d’expression, de création, de mémoire et de pensée.
Almost Nothing: So Continues the Night soutient, par là, que le cinéma, tout autant que
la mécanique quantique, a influencé les capacités à percevoir la réalité et, par
conséquent, à construire des visions du monde. Ainsi peut-on penser que le cinéma
a affecté la structure de nos sens et de notre perception, tout comme notre esprit
s’est adapté au langage du cinéma.

                                                                   Alonso Castro1
                                                                   traduction Traverse

1  « Curtocircuíto 2018. Almost Nothing: So Continues The Night de Davor Sanvincenti », Desistfilm, 8 octobre
2018 [en ligne] <http://desistfilm.com/curtocircuito-2018-almost-nothing-so-continues-the-night-de-davor-
sanvincenti/>

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