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Galerie 3.1  Photographies

Galerie 3.1

Louis Viel, GAÏA ou le Cri de la Terre des Origines

4 photos 50 x 50 cm / 1 photo 50 x 100 cm / 1 photo 200 x 100 cm / 1 haïkus 25 x 170 cm | France

                                 Les images de Louis Viel entraînent en bifurcations de
                                 pensée par la réunion en un seul champ de diverses
                                 écritures  ; photographie du tellurique, blessure
                                 tracée, variation chromatique, implication de la figure
                                 géométrique, longue écharpe de textes. Qu’il leur
                                 donne le nom de la déesse inaugurale, Gaïa, la première
                                 sortie du Chaos avant même Ouranos, le ciel, avoue
                                 ce dessein de dépasser le simple état des lieux d’un
                                 volcan toujours prêt au réveil : le Piton de la Fournaise,
                                 revenant au mythe au-delà de la géographie.
                                 La photographie est précise, sa grande iconicité
                                 énumère les coulées, le chaos assagi, les cônes de scories,
les grosses gouttes de lave solidifiée ; elle suit les fissures et les creux ; brillante, elle
fait contraste entre le noir charbonneux en un carré restreint, le vert aigu quasi
fluorescent d’herbe ou de minuscules fougères héliophiles essaimant le gris du sol,
parmi les pailles sèches beiges et plus loin, une touffe variant ses couleurs. La croûte
refuse l’étale, elle est en ombres et tracés, en strates orientées ou sans lignes sous le
soleil.
Cependant, la photographie n’est pas un relevé, elle surenchérit dans les variations ;
Masque opère deux versants, l’un éclairé gris clair avec tache orangée naturelle,
l’autre obscurci fait chape sur une pierre prise dans la lave minéralisée, ainsi qu’un
jeu sculptural. Déchirures en série répond à son programme, des marques blanches
défont le calme du lieu photographié, elles se font signe des veines incandescentes.
Chacune des trois obéit au type d’accident du terrain, elle est une, elles sont deux
ou trois à le strier.
Ce serait là suivre la nature voire poétiser par la faille gravée, la faille par où surgit la
toujours sourde et latente lave si la marque-techné de l’artiste ne se faisait si explicite
dans la photographie-seuil de l’exposition, d’autant que le format 2  x  1  m rend
tangible de loin ce dérangement du paysage par l’implication d’un grand triangle
noir.
Louis Viel aime citer Descartes non pour son « malin génie » qui s’évertuerait à
nous tromper dans notre approche sensible – son travail explicite la pensée qui le
tient – mais au contraire, pour sa distinction entre l’animal-machine, assemblage de
pièces et de rouages et l’homme-pensant qui peut se faire « maître et possesseur de

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