Page 270 - Catalogue-livre_Rencontres Traverse 2019_L'Expérimental-recherche-art
P. 270
Installations Musée des Abattoirs
lutte de re-connaissance humaine, d’humanisation par l’acte qu’elle exprime.
Dès lors que le pain flottant près du plafond devienne lune, revient à cette parabole.
Le diptyque réside dans la succession nécessaire à la fabrication du pain mais
s’éloigne de la symétrie canonique. Le travail, l’empreinte occupe le grand mur, la
boule de pain dont déjà se dessinent les traces de la croûte après cuisson, s’avère par
sa situation codée, l’astre, justifiant ainsi la figure du Pierrot. Comme la lune croît et
décroît, le pain respire. Bien plus, il acquiert une nouvelle puissance, celle accordée
à la planète féminine, régisseuse des marées. Il a la stabilité du travail et de la masse
compacte, il a la capacité de nourrir et il s’élève, dans un cycle constant. Il hérite
d’elle, la lumière nocturne face à l’éclatant soleil dont elle est la sœur et ses pouvoirs
dans la fertilité et la renaissance.
Lumière, création, légèreté, souffle attirent au sol l’antonyme lunaria, antonyme
puisque plante, venue du sol elle, porte le nom de lune, une plante particulière
puisque se ressemant elle-même, sans fin. Anodine mais lumineuse, frêle et
transparente mais « immortelle », tombant et se régénérant. Alors à nouveau, se
laisser aller au plaisir de la langue, puisque Marie le sait, le terme approprié pour
décrire au mieux la lunaria, le nacré, en allemand – langue
que son long séjour à Berlin a fait quasi seconde pour
elle – se dit « perlmutter » à savoir la « perle – mère… »
même si la femme ne se réduit pas au cycle menstruel –
mens était le premier nom de luna.
Lunaria/féminité.
Les mêmes qualités attirent aussi Oreiller, un coussin sur
lequel ne pas poser la tête, une sorte de ballon branché sur
une arrivée d’air le gardant en suspension. Il est fragilité,
transparence ainsi que lieu étrange pour les envolées de
plumets blancs, des capitules venus de plantes, ces fleurons
du pissenlit inflorescent, sans pédoncule pris par le vent et
qui, ici, s’apparenteraient à l’éther céleste des Anciens. Et
ainsi de retrouver la lune, le souffle vital, le retour éternel.
La puissance émouvante de la simplicité. La puissance de
la féminité hors des définitions.
L’artiste en dit : « L’imaginaire de la terre et de la lune sont au cœur de ce travail
à partir des deux éléments terre et air. L’élément terre évoque la permanence,
l’ancrage au sol, le poids, tandis que l’élément air évoque l’impermanence, le
mouvement, la légèreté. Au-delà d’une dualité terre-air, ce projet Lunaria recherche
les liens entre les deux éléments : un lien entre les racines et les feuilles, l’ombre
270