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Ninia SVERDRUP


Urban Scene XII : Petrol Station et Urban Scene XIII : Entrance
L'existence de l'absent, le silence et le vide s’avèrent. En effet, la perception du temps et de l'espace est
modifiée, une perte apparente de la rationalité lui est inhérente, ce qui soumet le vide à une réévaluation,
le mettant en perspective.
Ainsi Ninia Sverdrup, en engageant la dimension de temps et l'espace au cœur de son travail, y implique
le concept de ma, fondamental dans la culture japonaise ; ce faisant, elle le rapproche des sensibilités et
des concepts traditionnels de l’Occident, pour sa définition d’un espace non-statique et un temps non-
linéaire.
Le Ma comprend les dimensions spatiales dans le cadre de la dimension temporelle et réciproquement, il
est l’espace qui relie. Ninia Sverdrup suit le temps, l'insère dans un système de coordonnées spatiales.
Son sujet est toujours pour ainsi dire la fusion des niveaux temporels et spatiaux en plan visuel.

L’artiste compile des fragments de la vie quotidienne dans une approche performative. Les
actions routinières apparaissent comme simple documentation, non consciemment marquée par
l'auto-observation, mais déterminée par la cartographie du temps.
Le minutage de ses vidéos s’apparente à du chewing-gum, qui après avoir été mâché/ travaillé, serait
méticuleusement scellé, étiqueté et archivé. Ainsi, l'artiste recrée-t-elle une situation de laboratoire dans
lequel elle réorganise ou cherche à réorganiser les fragments de temps et d'action selon une expérience
en cours.
Le cumul des fragments apparemment autonomes se lit, également, à la lumière des dessins de l’artiste.
Dans Urban Rorschach: Terrasse, 2009, elle étire de grandes lignes à main levée au crayon, dessinant les
rues. Elle applique la peinture acrylique au rouleau pochoir, exhibant la divergence entre profondeur et
bi-dimensionnalité. Le feuillage des arbres, en image en miroir, réclame plus qu’un rapide coup d'œil.
En outre, le titre de cette série de dessins revient à l'idée qui sous-tend les images en miroir, ainsi que les
pièces vidéo, à savoir le principe du test de Rorschach, dont on sait qu’il entraine à évoquer, lors de tests
de personnalité, des associations d’image à partir de taches d'encre ; Ninia Sverdrup le prend comme une
méthode de transfert de l'image de la zone de hasard à celle du contrôle.

Dans sa pièce conceptuelle Min att Gora-lista de 2001, l’artiste a noté quatre tâches «nécessai-
res», ainsi que le jour et le lieu de leur achèvement, prévues sur plusieurs heures. La réalisation de ces
tâches est consignée par écrit, en tant qu’entrées d’un journal. Ce journal constitue la preuve d'une
perception linéaire du temps, mais la planification et la réalisation de tâches entreprises dans des
créneaux temporels absurdes rend visible la recherche…..
Dans ce projet, elle a prolongé la durée d’attente dans un bureau de poste à tel point que l'achat de trois
timbre-poste lui prit huit heures. Durant lesquelles, des coïncidences non planifiées se sont produites, ainsi
le comportement des employés, le choix des timbres etc. Et elles étaient à sa disposition en tant que maté-
riau pour la création contrôlée d'un temps nouveau. Dans cette pièce, a lieu une interaction entre contrô-
le et coïncidence ce qui est un aspect caractéristique de sa recherche artistique.


Désormais, on peut supposer que Ninia Sverdrup ne laisse rien au hasard, qu’il soit visuel ou
acoustique, dans la contemplation sélective de son travail vidéo. Cependant, il s'avère que le hasard est
son matériau source, qu’en le retenant et le manipulant avec des moyens artistiques, elle le soumet à son
contrôle. Le processus complexe d'origination mentale dans son travail n'est pas toujours et nécessaire-
ment immédiatement visible, mais il devient évident, même si ce n'est pas à première vue.
Peer Golo Willi
traduction Traverse Vidéo






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