Page 142 - catalogue_2012
P. 142


Liliana RESNICK


Reopening the past
La vidéo s’interroge sur ce qui se passe quand votre esprit est muré par le passé.
Liliana Resnick

















Reopening the Past affirme un projet, celui de la mémoire, celui du refus de l’oubli, mais la vidéo-danse
qu’il intitule ainsi, glisse le narratif en bribes légères dans l’espèce d’espace qu’elle crée. Sans longue
explication, sans même d’explicitation, la vidéo dans un constant bleu déréalisant et délocalisateur,
entraîne des formes féminines fantomatiques, dans la gestuelle codée de la danse contemporaine.
Ce non lieu envahi, en début et bouclant en fin, par de hautes herbes tremblotantes au vent, pourtant
engage à penser le sens. Il provoque un dedans avec une table recouverte d’une nappe drapée blanche
– mais bleuie par le teintage unanime sur un sol ferme mêlé à ce dehors de campagne.

Ceci n’est pourtant pas une chorégraphie qui chercherait la prouesse des corps ; au contraire les
mouvements adoptent la simplicité d’un penchement de tête, d’une assise, d’une avancée, le corps droit
comme la tête et le regard devant soi.
Une femme danse, virevolte, se courbe, l’avancée est simple ce que la surimpression d’une, puis deux,
puis trois couches…. perturbe d’autant que l’horizontale, elle aussi, subit diverses orientations, l’espace
penche, les couches d’images bougent l’une sur l’autre, simultanément à l’implication en danse, d’une
seconde, troisième et quatrième danseuses ; leur coiffure les distingue dans le même vêtement sobre et
sombre.
L’une debout, l’autre assise, l’autre se meut, l’autre se pose sur la table, en saute ; ce n’est pas un
exercice à la Degas qui reconstituerait ainsi le mouvement d’une image fixe ; si elles ne font pas de grands
pas, ni de grands mouvements, elles sont d’abord des femmes. De cette multiplication, en ce lieu restreint
qui ne s’ouvre que par les changements d’échelle, sourd une angoisse de saisir sans saisir la réponse.
Cela fait foule, poétiquement dure. En fonds, en osmose la partition d’un tempo lent mêle des sons de vent,
de mer enveloppant et lointain à la fois sur lequel se détachent, parfois et alors en boucle, des saccades
de percussion, des sons crépitant. Un ici et là, un proche et un lointain, un écho, un prolongement sans
fin…
Dans la profondeur du champ ainsi creusée, les femmes multipliées se rapetissent, la table s’éloigne,
quand le plan privilégie le corps, ils sont en mouvements ralentis, quand les yeux se discernent, ils portent
l’inquiétude.
Ces femmes en actes de beauté se réunissent sans se voir, elles se côtoient chacune sans rencontre, dans
ce monde qui n’a plus les distinctions référentielles du dedans et du dehors ; leur pensée ailleurs, prise
dans le passé ne leur offrant toujours pas l’accalmie du vivre maintenant…

Qu'est-ce qui se passe quand votre esprit est muré par le passé? Le monde intérieur des êtres humains et
l’extérieur les enferment.
Simone Dompeyre



142 Installations / Expositions - Faut Voir
   137   138   139   140   141   142   143   144   145   146   147