Page 139 - catalogue_2012
P. 139


Matthieu FAPPANI


Moving Picture
Un duo Traverse Vidéo - Matthieu Fappani


Traverse Vidéo : Quelles préoccupations t’ont-elles en entraîné à la vidéo ?
Matthieu Fappani : Ce qui m'a amené à la vidéo est sûrement une envie de vouloir provoquer des
résultantes dans la peinture et dans la photographie que ni l’une ni l’autre ne peuvent atteindre. Qu'il soit
physique ou pensé, le mouvement participe à toutes les étapes de la pratique artistique et ce qui
m'intéresse, c'est de tâcher d’en rendre compte.
Même si elle l’est techniquement parlant, l'image fixe n'est jamais vraiment fixe, dans l’appréhension de
l’homme. La mémoire ne restitue jamais une image de la même manière, cela dépend du contexte dans
lequel elle est remémorée ou re-produite.
Cette divergence entre le point de vue humain et la machine m'intéresse.
T.V : Pourquoi cette fascination du portrait ?
M.F : Le portrait est un thème récurrent chez moi. Il comprend tout de mes préoccupations même s’il
s’avère complet et auto-suffisant, c'est ce que je ressens depuis quelques années déjà. Une part
inconsciente me guide sur cette voie. Je l’accepte comme source inépuisable et véritablement puissante.
J’y trouve un foyer considérable de combinaisons, d'émotions auxquelles se mêlent des lectures
singulières et infinies. Et je convoque, dans mon rapport à la représentation, la relation entre la photogra-
phie et le portrait. Il m'intéresse très fortement quant à la place qu'il peut prendre dans une certaine
définition de l'art.

T.V : Peux-tu développer cette définition pour toi ?
M.F : Quand a débuté la photographie le travail principal du peintre était la représentation de l'individu par
son portrait, cette tâche a vite été récupérée par les photographes qui lui ont donné sa démocratisation,
la technique permettant une plus grande rapidité à un prix bien plus abordable. Dès lors, les peintres ont
cherché à représenter non pas le réel de ce qu'il voyait mais les réalités intérieures, les perceptions. Il en
a découlé de profonds changements dans les milieux artistiques tels que le cinéma et la rivalité entre les
médiums peinture et photographie est née autour de cette représentation du portrait, elle est encore
d'actualité sur le plan marchand alors qu’en tant qu’artistiques, les deux ne peuvent être que complémen-
taires. C'est leur alliance qui m'inspire.

T.V : Comment as-tu pensé le protocole de projection ?
M.F : En ce qui concerne le protocole de cette première installation, j'ai réfléchi à plusieurs schémas. J’ai
retenu celui qui provoquait une frontalité certaine avec l'observateur. Une sorte d'égalité entre le
"regardant" et le "regardé" tout en privilégiant l'effet miroir du portrait. Projeter sur un petit format allait dans
le sens de la réduction du grain de la projection typique du numérique, afin d’oublier la provenance de
l'image tout en tendant respectivement vers les écritures picturales et photographiques.


T.V : L'artiste dit-il être celui qui fait "tout", y vois-tu un parallèle entre artisan et artiste ?
M.F : Pour moi, l'artiste est un artisan très particulier, la technique reliant l’un et l’autre alors que les
caractères d'unicité ou de reproductibilité de leur production les différencient. L'artisan devient, trop
souvent à mon goût, l'ouvrier de l'artiste, qui lui-même, cependant, est employé par un système.
Cependant même si les limites qui les séparent ont tendance à disparaître, cela conduit à asservir le
véritable maître d'œuvre
Si on commande un travail à l'artiste comme on le fait pour l'artisan cela contribue à faire de la création le
fruit d'une sous-traitance. Donc à pousser l'artiste, à marchandiser sa production pour finalement n’en
avoir plus besoin. Celui qui est la base de la production artistique n'étant plus l'artiste mais son
commanditaire.



Installations / Expositions - Faut Voir 139
   134   135   136   137   138   139   140   141   142   143   144