Page 144 - catalogue_2012
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Dania REYMOND


Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en Ruines
En un long travelling, la vidéo creuse la planéité du tableau tout en en protégeant la notion de cadre, ce
que duplique la projection sur l’espace lui-même encadré de moulures du mur de l’abside. Et elle prend à
la lettre numérique la question du temps.
Temps de la mémoire, parce que le lieu référentiel est consacré à la sauvegarde des œuvres
patrimoniales, parce que le tableau référentiel est regard d’Histoire.
Temps parce que ce mouvement en avant est porté visiblement par l’élan du virtuel, il rend sensible la
durée parce que les différences sont minimes dans le parcours, jonché de blocs de pierre blanche, de
marbre tombé, de taille diverse en effet de crédibilité de leur chute impromptue de la voûte, de la paroi. Ils
s’appuient en équilibre plus ou moins risqué puisque parfois sur plus petits qu’eux.
Des herbes ou du lierre, marque de l’abandon, envahissent telle hauteur ou une seule des arches dans ce
même système de l’aléatoire de la ruine.
De rares arbres y ont poussé puis péri, réduits au tronc malingre, sec aux branches dénudées et courtes,
et aux racines tombantes sur le bloc où ils sont morts.
Le temps s’est ainsi emparé de cette construction, il a fait office… et des oiseaux absents de
l’espace accordent une nouvelle couche du temps, le présent, mais présent du virtuel, le virtuel d’un
coucou qui coucoule, d’une alouette qui grisolle ou d’une chouette qui hole… ils sont l’image sonore
d’envol, de mouvement lié à celui de l’avancée. Dans la perspective longue et profonde, le don est fait à
celui qui sait profiter du temps ; là, pour lui, dans les dernières secondes, une figure minuscule entre dans
le champ dans le sens de notre lecture occidentale, connotant le futur : la si petite silhouette féminine
cependant, cheveux déliés, en robe courte mais sans couleur participe à cette production du désir de revoir
pour s’assurer que oui, dans la lande alentour, de la vie sourd.
C’est le pourquoi aussi de la programmation par Traverse Vidéo en boucle de cete opus, parce
qu’elle engage ce travelling sans fin, comme la reconstitution de ce Louvre qui n’a jamais été en cet état,
alors que son passage sur le marbre peint d’un lieu d’abord chapelle et désormais muséal enchante.


Simone Dompeyre



































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