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Vidéos du Québec




Francis O'SHAUGHNESSY, La Bourge, 1'50, 2010
Ecran en deux, pour deux jumelles factices, le générique ne compte
qu’une identité - qui s’adonnent en échos refusés à des pratiques
rivalisant en loufoquerie. Des standards et des styles musicaux
s’entrecoupent aussi alors qu’elles, sans se regarder, ne sont que pour
voler à l’autre, le geste le plus dérisoire. Si l’une cache ses yeux par
deux planchettes, l’autre croque une pomme avec une telle véhémen-
ce que cela lui ôte tout plaisir ; si l’une s’affuble d’un loup sans trous pour les yeux mais avec deux fils
pendants, l’autre, en guise de boucles, accroche des pinces à linge à ses oreilles.
Le langage des signes ne s’adresse à personne et la gestuelle subit comme tous ses mouvements, le
heurté de la pixillation ; assise sur leur chaise, elles sont pourtant ainsi animées ; actives, elles s’insultent
par l’intermédiaire de cartons qu’elles portent devant elle, chacune et non vers l’autre.
Quant au champ, il reçoit autant de zébrures qu’un vieux film usé que l’on se repasserait à l’envi ; pour
encore et encore cette espèce de relation si peu amicale et pourtant la seule preuve de relation –
affective ! - que la bourge peut.
D.S

Vivian GOTTHEIM, Lamento, 1', 2011
Le paradoxe de l’amitié avec et pour le monde.
Une seule minute chargée du temps. Un gnou pait, on aurait tôt fait de
penser qu’il s’agit du bestiaire du Québec, d’un de ces animaux pour
lesquels se déplacer dans telle de ses régions, or ce bovidé - une
antilope malgré sa ressemblance avec le cheval pour les non spécia-
listes - vit en Afrique. La minute le prend dans son grignotage de
l’herbe en concordance avec sa classification d’herbivore, pourtant loin
de son troupeau habituel.
Ce n’est, dès lors, pas du côté des connaissances animales que nous sommes entraîné(e)s d’autant que
des chants indiens se psalmodient, ramenant cet Africain dans le Québec. Le pays est celui que l’on se
bâtit, celui où l’on est et où s’épanouit l’affectif. Ceci Vivian Gottheim le sait, née au Brésil, de parents ber-
linois, elle vit et travaille à Montréal… consciente de ce tissage, elle prend le monde comme pays.
Cependant, le référent est un dessin, de traits hachurés. Le plan unique fixe ne garde pas ce calme, mais
il déborde la première tentation mimétique en exaltant la virtualité de l’abstraction de tout tracé. Le trait
s’appuie ou se délite. L’ombre est épaisse ou déliée. Les formes flottantes s’emparent de ce signe –
animal ; les percussions ne sont pas réservées à la bande son, le visuel en est scandé… sans pourtant la
moindre des violences puisque le passage aux traits épars effaçant la forme première, rappelle que la
source est dessin, de la main de la femme.
Paradoxalement le ravissement de la figure prône la compréhension du monde ,ainsi dit en allusion ;
au-delà d’une scène champêtre, somme toute banale, la subtilité de ce qui donne forme voire qui prend
forme par l’énergie de l’animation.
Alors on se souvient que poïesis désignait la création, le faire ; ce faire avec dessin, percussions, voix
montées qui n’impose pas le simulacre mais un moment plein de ces lamentations, traces mémorielles des
tribus indiennes. Sans pouvoir les traduire, on sait qu’elles correspondent à une idée d’un monde, à
l’organisation de ce monde auquel Vivian Gottheim donne force.
Elle donne aussi une leçon d’humilité, la lecture des signes réclame l’apprentissage ; la connaissance de
l’autre réclame de s’approcher de son histoire. Con-naissance c’est naître avec. Et jusqu’au Lamento à
perdre le plaintif pour une onde de vie.
D.S





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