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La demi-heure croate
Vladislav Knežević ne se cantonne pas à des citations ni à faire du beau avec des images de quotidien, il
provoque le souvenir des années de l’entre-deux guerres quand on riait, savourait le sport et les
croisières, appréciait les belles voitures mais aussi où les bras se tendaient, déjà, devant un leader.
Le sépia connotant le passé, teinte l’ensemble dans une réunion plastique de composants éclectiques mais
il efface simultanément la nécessité de saisir le sens des mots, par ailleurs, à l’envers, en effet miroir.
Le film savamment reprend certains plans en tonalité inverse… il s’ouvre au noir comme il se termine en
fermeture au noir, en une boucle faisant de ce constat une constance historique. Les peuples s’avèrent
insouciants des forces qui sourdent…
D’emblée, le logo d’une marque et la voiture de sport rêvée de l’époque, des visages heureux se
surimpressionnent croisés avec des fragments de tapis comme fonds ou avec des fragments d’article du
journal dans lesquels se reconnaissent tel ou tel terme “km” par exemple…Ces jeunes femmes occidenta-
les en maillot noir entourent un jeune moniteur, ou se prélassent en prélude au collage-montage
fondateur de ce film.
En interstice, deux Indiens arborent des coiffes à plume pour l’adulte, en broderies pour le jeune ; des
guépards rencontrent une image de publicité, deux femmes déguisées avec loup et perruques XVIIIème
siècle devancent paquebot et avions… Quelques aigus, des cuivres éclatent sur un tempo assez calme
avant la dramatisation liée aux images d’incendie, de pompier en drôle de scaphandre, de masques à gaz
en montage alterné simultanément au tremblotement qui atteint toutes les figures. La rupture naît de
l’intrusion dans le champ de citadins agroupés sur les trottoirs pour acclamer de leur salut nazi un homme
en voiture, avant celle d’un tank. Alors le paquebot et son commandant et son officier avec sextant et autre
appareil de mesure, indiciels de maîtrise sont chahutés ; des avions menaçants s’approchent du navire. Le
flicker perturbe ce monde …
La leçon d’histoire ne se peut que par une leçon de maitrise du cinématographique car ce sont les mêmes
images, issues d’un fonds trivial, qui jointes et disjointes, agencées, réagencées, renversées fondent ce
regard de vigilance qui, cependant, jamais n’abandonne son effet de beauté.
D.S
Dalibor BARIC, The spectres of Veronica, Dalibor BARIC, New Hippie Future, 4',
7'44, 2011 2011
« Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde
invisible » dans l’Aurélia de Nerval se puise ce désir de dépasser la porte vers l’inconnu, désir toujours lié
à l’inquiétude… ces portes s’entrouvrent, se referment aussitôt en laissant des signes, suffisamment pour
que l’on tente de les renfoncer.
Les vidéos de Dalibor Baric oscillent dans cet entre monde ; alors les jeunes femmes vivent avec leurs fan-
tômes ; plus encore, ces fantômes voguent dans leur futur - The Spectres of Veronica - et le futur, toujours
déjà là, intitule dans le même réajustement du sens New hippie future/Le Nouveau Futur Hippie, invitant à
un retour des manières d’être hippies, sans contrainte sociale, dans la liberté d’être et la quête du bonheur.
Dalibor Baric ne filme pas, il fait des films - au sens matériel du terme - avec des moyens simples.
Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Faut Voir 51