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Arnaud GERBER

                           Wir Sind Karneval / Nous sommes Carnaval

                 Ce qui reste explicite et répété en version de chœur mal chanté en prise de son directe, en
      version enregistrée par un chanteur d’antan ou par un groupe de festivaliers, y compris quand on ne
      l’attend plus en coda du film, c’est la chanson populaire qui ne revendique comme désobéissance aux
      règles sociales que l’irrespect à la fidélité. Ainsi, ce qu’ils réclament s’avère un carnaval fort éloigné des
      débordements et de la transgression de ses premiers temps. Même si déjà, le carnaval se faisait, selon
      un processus d’inversion et de transgression, pour la re-création indispensable à l’équilibre de chacun et
      à celui du corps social ; sous le mode rituel, était censé être écarté le risque d’explosion qui menace toute
      société puisqu’elle est fondée sur la négation de l’instinctif et du désordre. Un renversement fort peu
      gratuit ni insensé.

                 Mais le film ne lui reconnaît pas la force de ses débuts, les derniers flous concernent des
      figures waltdisneyennes, les excès sont des verres dans un bar, les revendications chantées sont piètres.
      Il faudrait pour produire un défoulement avoir d’autres forces en soi, d’autres désirs et revenir au Dionysos
      nietzschéen et ce que le philosophe a défini comme “l’identification temporaire avec le principe de la
      vie”. Ce Carnaval-là stigmatisait le christianisme pour s’être opposé à ce qu’il y a de plus vital dans la vie,
      son principe de régénération et il aurait entendu “l’insensé” contrairement à ce que regrette la voix.

                 Après le carnaval bien sage, où l’on se déguise en petites voitures, des jets d’eau nettoient les
      rues, des travaux de voirie aplanissent les trottoirs… les routes sont déneigées... une visite rapide dans
      une église répondant aux derniers cris de l’aphorisme, n’y croisent pas de force mais des touristes sur son
      parvis… la chanson “Nous sommes carnaval” peut se réentendre… la voix se tait, souffle les bougies, le
      film-rituel nous libère pour aborder notre quotidien.

                                                                                                      Simone Dompeyre

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