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Susanne WIEGNER

        Inside my room

          “Inside this room, all of my dreams become realities, and some of my realities become dreams./
A l’intérieur de cette chambre, tous mes rêves deviennent réalité et quelques-unes de mes réalités
deviennent des rêves.”

          Suivant cette phrase, l’image en glissando part d’un paysage gris avec de grands arbres frêles,
il est désert malgré un banc public sous des piaillements d’oiseaux s’amplifiant. Loin d’en faire l’espace
d’une intrigue, la vidéo la délaisse tout aussi calmement en un fondu au blanc, optant pour des mouve-
ments divers petits travellings, verticaux, latéraux s’approchant, reculant devant des formes plus ou moins
précisées. Après une telle investigation sans connotation d’inquiétude ni autre motivation de recherche
policière, ces formes s’avèrent les objets d’un bureau qui “bénéficie” à son tour du recul d’un travelling.

          Le mouvement insigne de Susanne Wiegner, celui d’approche au plus près du composant et de
son recul qui insère la forme les intégrant, explore, dans cet opus, une table de travail, celle de l’artiste à
en croire le déterminant possessif du titre simple : Dans ma chambre.
Elle s’y autoportraiture en creux puisqu’elle choisit parmi le mobilier de cette pièce, son bureau et des
indices significatifs de sa manière de création. Elle s’y réaffirme amoureuse de la mise en abyme,
fidèle dans sa pratique à la formule de Gide : “J’aime assez qu’en une œuvre d’art on retrouve ainsi
transposé, à l’échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre. Rien ne l’éclaire mieux et n’établit
plus sûrement toutes les propositions de l’ensemble.”

          Son œuvre, cependant, entrelace les trois types de structures d’enchâssement : la réflexion
simple qui duplique en réduction l’élément contenant et l’inclut dans ce premier élément. Elle le fait, en
renversant l’ordre puisque les arbres sont inclus dans une boule dite de neige. Ce paysage inclus dans les
objets d’un bureau, peut provoquer la question des genres et assurer de la potentialité de l’image
calculée.
La description ne s’arrête pas après avoir balayé visuellement la table mais ell inclut l’image de l’écran
d’ordinateur dans une image d’écran d’ordinateur, obéissant à la réflexion à l’infini à l’image des poupées
gigognes.
Enfin, elle nous embarque dans sa manière d’indiscernabilité du paysage du dedans et de celui du dehors,
dans la fascination pour la réflexion aporistique en revenant à Möbius, même si, diversement des structu-
res réversibles d’Escher, que tout un chacun connaît, elle n’implique pas la question de l’impossible.

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