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Traverse projette à l’ESAV

Pour ma part, j’essaie d’évoquer ce rêve de Cassandre par des formes expérimentales qui se rapprochent
des documenteurs. Créer des dispositifs du faux pour suggérer le probable.

          Le film d’Arnaud des Pallières, Poussières d’Amérique, m’a fait découvrir la poésie de l’alternan-
ce « fragments de texte / images ». Elle m’a donné l’idée du plus minimaliste de ces travaux vidéo « néo-
anthropologiques ». Les images sont présentées comme des vestiges numériques illustrant notre époque.
Elles pourront avoir été trouvées comme je les ai moi-même trouvées, aujourd’hui, au hasard des moteurs
de recherche.

          Le narrateur de la vidéo se situe entre deux de ces temps qu’il considère comme infinis. Il évoque
au passé la fin de l’humanité, mais parle de l’espoir comme un temps encore à venir. Ce parti pris suggè-
re l’irrévocable de l’événement, en laissant toutes les perspectives ouvertes.

          Le titre de la vidéo reprend simplement le début de la première phrase inachevée, à la
façon d’un document word enregistré automatiquement sans nom.

Kevin Senant, Blackboard, 4,15min, Irrigation,
5,27min, Transfert sur papier de soi, 6,59min

      Kevin Senant offre une oeuvre qui sublime la
notion généraliste du found footage. S’il prélève
fréquemment des séquences sur la (ou les)
toile(s), ces images identifiables et dont les sour-
ces sont toujours scrupuleusement citées, nous
apparaissent toujours étonnamment souples et
ouvertes sur le plan du signifié.
Ses constructions en couches superposées consti-
tuent une profondeur en une succession de plans,
et non spatiale, comme pour mieux renvoyer le
regardeur à sa relation à la surface plane de l’écran.
Écran qui revêt une dimension nouvelle lorsqu’il est restructuré dans l’espace sous forme d’installation. Ces
plans accumulés sont le support de diverses questions propres à l’oeuvre de Senant.
Ils permettent la stratification de textes écrits par l’artiste ou encore de citations, d’images volées ou fabri-
quées, imbriquées ou montées ensemble.

   Réflexions à points d’entrée multiples, le rapport entre l’expérience particulière de l’individu et la mémoi-
re du groupe face à un monde débordant d’images en mouvement est finement exploré. Autrement dit,
comment l’histoire de chacun se fait le prisme de toute lecture, et crée pourtant une zone où la communi-
cation est souvent possible, et où les idées circulent. Les spectateurs que nous sommes repensent alors
ces images isolées, éprouvent ce jeu de fascination et de scepticisme, à travers ce rapport passionnel et
étrange qu’elles ne manquent jamais de susciter en nous, comme dans le regard d’un autre.

    Blackboard, est parfois épurée, presque à l’extrême et devient écran de couleur pure, dans la vidéo
mais aussi à travers les cadres dont elle tente de s’émanciper. Ces cadres réels ou fictifs s’inscrivent dans
la vie captée, dans celle mise en scène comme dans l’espace physique. Ces rectangles pleins ou translu-
cides, métaphores du pixel vu à la loupe mais aussi format standard du cinéma, deviennent le coeur nou-
veau d’une narration étrangement familière.

                                                                            Dounia Beghdadi

        Irrigation développe la question de l’évolution du statut des images depuis les premiers films des
Frères Lumière jusqu’aux dernières vidéos disponibles sur les plates-formes Internet de partage vidéos.
Transfert sur papier de soi est une plongée dans le monde figuratif de l’artiste, avec, en surface, une
interview de l’artiste décrivant son processus de travail.

Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Processus                                                             25
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