Page 61 - catalogue_2014
P. 61
maquette 2014_TRAVERSE_VIDEO:maquette 2013 06/11/2014 15:52 Page 60
Carte Blanche à Ron Dyens-SACREBLEU Productions
Un dernier, l’enfant-témoin - il est celui qui observe, enlève et remet ses lunettes - tombe, attra-
pe le paquet de vêtement responsable de sa chute, le glisse dans son pantalon. Plus tard, il en sort un
tissu qu’il tend au garçon joufflu qui le pose en guise de chapeau, ce qui l’aveugle alors qu’il se met à dan-
ser. Inanité des gestes.
Les figures sont de profil pour atteindre sans hésitation le point d’arrivée… la chute ne change rien à ce
processus.
En outre, même si la rondeur des êtres-enfant et petits animaux du Grand Lapin et leur nature
évoqueraient Totoro, esprit de la forêt du film éponyme, que rencontrent la petite Mei Kusakabé et sa gran-
de sœur Satsuki, leur comportement particulier n’adopte pas la raison des « êtres » des films de Miyazaki.
Pas davantage de maison aux panneaux de bois ni de bain traditionnel entretenu par un four à bois et
l’eau d’une pompe, l’espace n’y est délimité que par à-coups. Une branche suffit pour l’arbre, une ruelle
avec poubelles suffit pour la rue, un bac à sable pour le parc de jeux, un monticule herbeux pour la cam-
pagne enfin un mur longé devient maison. Il devient intérieur ou extérieur par très peu d’indices : poste de
télévision ou chaise qui, elle, par ailleurs, peut être posée n’importe où.
Ainsi Totoro, dont le titre complet Mon Voisin Totoro réclame la parenté dans cette communauté
avec les animaux, ramène au désir de nature et à la question de la mort posée par / pour des enfants, en
suivant des enfants avec des préoccupations de leur âge. Quant à lui, Le Grand Lapin, il soumet à une
étrange inquiétude pourtant totalement liée au sourire du plaisir or ceci est la définition de la fascination.
Il mène sa propre logique qui ne s’épuise pas à la première vision, son écriture circulaire provoque la soif
d’y revenir : Si vous croyiez au « Lapin », vous...
Peu à peu, se saisit sa circulation narrative, porteuse de sa logique ; une logique propre à cet
espace filmique. Elle fonctionne sur le régime de la comptine marabout / bout de ficelle / selle de cheval
etc. : le ballon enfoui sous le tee-shirt, touché par l’enfant-lapin, pris par la belette qui l’emporte, belette
prise dans un filet par l’enfant, qui, à son tour, tombe dans le filet à travers lequel le garçon-témoin lui fait
picoter le bas du corps par les oiseaux nichés dans le vêtement qu’avait volé simultanément l’oiseau… et
pour lequel on pourrait suivre l’enchaînement…
Du bleu mouvant, évoquant la peinture, ouvre le film simultanément à un ahanement, prémices
d’effort. Il inaugure la précision sonore qui accompagne tout geste ; le vol de l’oiseau enlevant un tee-shirt
pour en faire le nid où piaillent ses oisillons ; la course de la belette emportant la boule, le bruissement des
vêtements enlevés comme le pliage furoshiki pour emballer les chaussures... Plus étonnamment, s’en-
tendent les lèvres quand l’enfant se les lèche en signe d’appétit, ou le croisement de ses doigts quand il
tente de toucher la belette qui se
frotte contre ses jambes ou bien un
son moins identifié, type mugisse-
ment ou marmonnement de prière
perturbe de telles reconnaissan-
ces.
Jamais le film ne se départit de
ce crescendo vers le non-réalisme.
Pour exemple, quand, à chaque
nouvel arrivant porteur de la
boule, le garçon se penche sur la
chaise afin de la toucher, des
oreilles lui poussent avant qu’une
lumière et un son n’ accompagnent
la disparition de tels appendices.
Enfin, la seule phrase émise par
60 Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Processus