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Oleg CHORNY
Summer 2014, somewhere in the East of Ukrainia
LE DORMEUR DU VAL
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur RIMBAUD
Comment représenter la guerre ? Quelles sont les images que nous saurions percevoir ?
Les guerres contemporaines sont sans images, ces images sont manquantes. Les médias dans leur
ensemble n’en diffusent que des bribes, des fragments sans attente, des séquences inertes vidées de leur densité
qui nous astreignent à notre voyeurisme, à notre indifférence, au lieu de nous rappeler notre impuissance qui serait
le reflet aux minima d’un sentiment d’humanité. Dans ce plein feu qui engendre du visuel auquel nous sommes
confrontés et avec lesquels nous pactisons, rien ne nous permet de reconstituer une logique ou une compréhen-
sion véritable de l’événement dans sa globalité. Ce flux dont nous abreuvent les médias, scelle le spectacle d’une
communication, qu’un camp veut se donner de lui-même et fait de nous les spectateurs d’une surface qui reflète du
néant.
CHAPELLE DES CARMÉLITES 101
INSTALLATIONS
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