Page 97 - catalogue_2015

Sébastien BOUDIT / Christophe LUSTRI

[DÉDALE]

Photo : Roberto ALVAREZ

Un [DÉDALE] éclairé
Nous sommes des êtres de mémoire, apprenant à respirer et à nous mouvoir avec / selon les textes

entendus dès l’enfance, avec des noms si répétés qu’ils nous sont devenus naturels… contes et légendes glissent
ainsi en sous-sol, l’idéologie dominante du groupe auquel nous appartenons; les mythes entraînent à justifier et à
faire reconnaître cette organisation du monde, cette hiérarchisation des hommes, à faire craindre le dépassement /
l’hybris par des punitions terribles et divines.

L’art en est un lieu de résistance, une relecture permanente, une déconstruction. Preuve par [DÉDALE]
de Sébastien Boudit et Christophe Lustri… installation qui, d’un entrecroisement de fils mythiques, ne garde que
l’invention du lieu. D’emblée est écartée la motivation de cet espace si complexe, à savoir la résultante d’une
conception monstrueuse : Pasiphaé - « celle qui brille pour tous » - épouse de Minos s’étant accouplée avec le
taureau destiné au sacrifice; la nécessité d’une construction pour y enfermer le rejeton, le Minotaure, et dont il ne
saurait sortir ; en dernière étape, le désir du constructeur de s’en échapper avec son fils Icare, en façonnant des ailes
à coller sur ses épaules et dont on sait que la cire fondit. Dernière étape quand on oublie, fréquemment, que Dédale,
lui, continua son vol jusqu’en Sicile, où le roi Cocalos l’accueillit et où il consacra ses ailes à Apollon.

L’installation « in-situ » crée un espace unique, lié aux contraintes du lieu, qui transforme la structure
faite de tasseaux, de planches étroites peintes en blanc et réclame l’attache d’écrans pour les images originales.
Une paroi ajourée aux pieds de laquelle, des traits blancs au sol forment le dédale mais elle porte des lumières.

Ce que retient ainsi cette installation, c’est ce que le mot dédale copie de l’adjectif grec : Daídalos
qualifiant un objet « artistement travaillé », ou celui qui l’a façonné « l’Astucieux »… Ce qu’elle favorise, c’est ce qui
induisit le glissement aisé de l’épithète vers le nom de l’Athénien connu comme inventeur, sculpteur et architecte
de talent sachant construire beau et utile, à tel point que lui fut confiée l’invention du labyrinthe pour enfermer le
Minotaure. Dédale reconnu au point que Platon, si critique à l’égard de l’artiste qui fabrique des doubles du réel déjà
lui-même éloigné de l’Idée, décrit, dans le Ménon, ses statues « si saisissantes de vérité qu’il fallait, selon la légende,
les enchaîner pour les empêcher de s’enfuir ».

96 CENTRE CULTUREL BELLEGARDE
INSTALLATIONS
Maquette V3 2015.indd 98
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