Page 140 - catalogue_2015
P. 140

Qingmei YAO

              Le comique enfle au gré des reprises, au gré de l’accent de conviction mis par chacun d’eux, devant
l’inanité des paroles et plus encore quand, pour prouver la largeur d’esprit de Monaco, le policier explique qu’il peut
être policier monégasque alors qu’il est français.
Jamais la proposition performative n’est acceptée comme telle… elle n’est vue que comme une impertinence faite
par des jeunes n’ayant pas conscience de leur acte.
De jeunes auxquels on peut le pardonner parce qu’ils sont… étudiants en art. Aucune mention n’est faite au thème
du troisième couplet, Qingmei s’en tenant à reconnaître que l’Internationale est un hymne communiste, et qu’elle est
dans une période de recherche en art.

              Ainsi de part et d’autre, advient ce qui est le fondement de cette performance, et s’impose le retour
à Kaprow, un des initiateurs du happening fondé sur la théorie que « l’art semblable à l’art considère que l’art est
séparé de la vie et de tout le reste, tandis que l’art semblable à la vie considère que l’art est en liaison avec la vie
et avec tout le reste. En d’autres termes, il y a un art au service de l’art et un art au service de la vie. (...) Mais la vie
ordinaire performée comme de “ l’art non art ” peut charger le quotidien d’un pouvoir métaphorique.»

              La pièce à l’entendre peut être dite portée par de la fraîcheur voire de la candeur, elle répond pourtant à
cette nécessité d’implication de l’action artistique dans la vie réelle et plus encore si on revient au projet: « le chanter
à Monaco, fameux paradis fiscal, révèle la réalité dissimulée de ce lieu dont les habitants n’ont peut-être jamais en-
tendu cette chanson, tandis que l’action est elle-même absurde, ambitieuse et naïve face à une réalité imposante. »

              L’intervention artistique de Qingmei s’inscrit dans les questions politiques et sociales actuelles, dont la
violence fréquente bloque nos aspirations les plus simples. Qingmei, comme jeune femme chinoise, qui se qualifie
elle-même comme « condamnée à l’idéalisme », revient dans chacune de ses œuvres sur les mécanismes du pou-
voir et sur leur extension jusque dans les gestes du quotidien.

                                                                              TRAVERSE VIDÉO

                         * « L’Impôt saigne le malheureux; / Nul devoir ne s’impose au riche; / Le droit du pauvre est un mot creux. /
                                     C’est assez languir en tutelle, /L’égalité veut d’autres lois; / Pas de droits sans devoirs, dit-elle, /
                                                                                                      Égaux, pas de devoirs sans droits ! »

                                                                               Photo : Isabelle ROMERO CLAVEAU                                 139

GALERIE CONCHA DE NAZELLE / L’ ENVOL DE CRANSAC
                             INSTALLATIONS

Maquette V3 2015.indd 141                                                                                       21/06/2015 19:49:33
   135   136   137   138   139   140   141   142   143   144   145