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Julie WILLS
Marie Antoinette in America : spring
Ouvrir le journal d’une aventurière du XVIIIème siècle s’apparente à la découverte des péripéties de
la performeuse nord-américaine Julie Wills. Originaire du Colorado, elle appartient à cette génération d’artistes qui
investissent le milieu naturel, le territoire comme lieu et miroir de leurs performances.
Lors de cette vidéo de la série de performances Marie Antoinette, Marie Antoinette in America : spring
Julie Wills en maillot de bain, se concentre en une série d’exercices préparatoires au plongeon. Si elle se tient prête
à sauter c’est dans un simple abreuvoir perdu au milieu d’un paysage sec, sans arbres, sous le soleil. Ce point d’eau
est reconnu par le titre spring, la source mais dans la saison estivale et non le printemps.
Elle ne saute pas, pas de conclusion ni d’introduction, par ailleurs à sa préparation comme pour aucune des perfor-
mances de la série où se succèdent diverses positions de cette Marie Antoinette, moderne et appliquée, très loin du
modèle royal si ce n’est un écho de sa coiffure.
Toujours parée d’une perruque blonde aux grosses boucles désordonnées, ornée d’un grand ruban
virevoltant qui tombe un peu sur le côté de sa tête, rappelant malgré ce désordre, celle compliquée des aristocrates
européens du XVIIIème siècle. Cependant, Marie Antoinette l’a « naturalisée » en remplaçant le matériau par de
l’herbe sèche collée comme naturellement sur sa tête; cet amas de branches, autrefois bel arbuste fleuri, aujourd’hui
planté sur la tête d’une jeune femme très loin aussi des activités typiques d’une habitante des prairies du Grand
Ouest américain, se rapporte pourtant à ce lieu par son genre. Le tumbleweed, ou virevoltant en français, est pour
de nombreux artistes américains, musiciens comme cinéastes, le symbole du désir de retour à la maison, de l’exil
forcé, du destin errant mais il se lit aussi comme la métaphore d’un moment absurde ou d’une blague qui ne reçoit
pas l’accueil escompté et provoque un froid au lieu des rires.
Comme la source cachée de l’eau l’abreuvoir, cette plante occulte d’autres potentialités de sens, puisqu’elle ne
devient voyageuse que lorsqu’elle se détache de ses racines après sa maturité...
Quant au rappel de la superbe Archiduchesse d’Autriche, princesse royale de Hongrie et de Bohème,
dernière reine de France, il serait lié à la perruque ou à l’attitude peu adéquate à une reine. Une poignée d’herbes
sèches, un maillot de bain, un plongeon. La Marie Antoinette de Julie Wills est une femme sans contrainte qui sait
s’adapter à son nouveau contexte.
Représentante de cette société qui a occupé les territoires des natifs américains, Marie Antoinette n’est pas à sa
place, et elle est seule et doit se débrouiller avec ce qui traîne sur place.
Comme femme, elle affirme décider de son saut, quand il lui plaira - le côté capricieux lié à Marie Antoi-
nette - ou parce que cela lui plaira sans l’injonction d’un autre qui lui, devra attendre qu’elle en décide.
Isabelle ROMERO CLAVEAU
GALERIE JEAN SÉGALAT DECAZEVILLE 135
INSTALLATIONS
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