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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS
Dimitar Dimitrov y pense une métaphore de la vie du créateur,
partagée par le personnage qui commente sa pratique : « Il est seulement
nécessaire d’attendre calmement (sa) vague, et de (se) laisser prendre là, où
la mort-même est seulement un motif de contemplation. La peinture n’a de
valeur que dans le moment de sa création; le reste n’est qu’une carte postale
envoyée d’un voyage au loin.» Ainsi c’est d’absurde dont il s’agit, d’absurdité
de la vie, sans sens où il ne s’agit que de vivre un jour insensé de plus.
Pourtant, la peinture s’y fait synecdoque de toute création,
comme lieu de désir d’être, de dessein inhérent à la vie, même si The day of
the bleeding gums / Le jour des gencives saignantes le conçoit dans la dis-
tance de l’humour noir, répugnant à une philosophie hâtive. Le titre privilégie
le résultat du second accident de ce jour, plus bénin que le boitillement du
premier, mais en écho avec la somme de 1500 couronnes, somme moindre
que celle espérée par la taille du tableau exposé au choc. Cependant, que le
peintre pense en termes de cycle, choisisse ses titres et trace le cercle parfait,
doit induire une lecture seconde du besoin de peinture pour vivre. Pour créer,
il faut, certes, acheter des vivres et vivre en un lieu à payer, mais la vie de l’artiste est prise par cette urgence de
créer et n’est que dans cette urgence de créer.
Quand Dimitar Dimitrov explique que son film a été totalement réalisé avec un smartphone, il rassemble
deux motivations entrer « en dérision avec l’industrie cinématographique hollywoodienne et prouver que l’on peut
réussir quelque chose de sérieux d’une manière très simple et pas chère.»
La nécessité du faire aidée par la simplicité mais aussi le refus de modèle et d’obligation d’écriture. Son
film dépasse la tentative; sur fond noir, les tracés jaunes flottent dans la mouvance nécessaire à la création du dessin
suivant. Simplicité de la forme, sans traits de visage puisque seuls, et rarement, les yeux agrandis s’emparent du
champ; la silhouette s’apparente pour le torse à une tour de jeu d’échecs. Logique pour quelqu’un qui vise à gagner
selon les règles du risque. Le chapeau, qu’il ne quitte pas même lors de sa rapide toilette, devient verre lorsqu’il
savoure sa fin de journée avec un bon vin. La rue se poursuit en inversion et l’oblige à changer de chemin, tête en
bas. Ses besoins ou désirs filent sur des roues puisque ce sont les voitures qui les rendent possibles : un gros pain,
une bouteille, une femme nue pour Pétra - la jeune femme à inviter et à laquelle offrir une fleur. Le changement
d’échelle des éléments provoque le changement des lieux qui n’existent ainsi que sous le dessin toujours modifié.
L’habilité de cette construction continue repousse l’explicitation de la raison de certains gestes -
l’échauffement du matin, le nécessaire repos - au choc avec la voiture, « une quick rutilante », et l’humour sous-
jacent n’invite l’entraîneur qu’après les accidents quand il faut apprendre à mieux glisser ou à mieux orienter son
corps. L’homme se fait alors torero esquivant la voiture avec un tissu ou cow-boy lançant son lasso, autant de
mouvements en écho avec l’énergie qu’il dit nécessaire à la peinture. Il énonce la perfection de la figure circulaire
alors qu’il la forme et que Dimitar Dimitrov la trace aussi… dessin animé, le geste est osmose.
Simone DOMPEYRE
Hadrien DON FAYEL,
La profondeur du chant - spectrum orchestrum,
1min 50, FR
La profondeur du chant associe à des archives super8
re-filmées et déformées en HDV, les images transformées de la nais-
sance d’un oisillon. Le projet est né de la volonté de retenir les per-
turbations d’une projection super 8 comme écriture. De l’absence de
lumière jusqu’à la surexposition, un parallèle s’instaure entre la toute
première perception lumineuse d’un oisillon et le numéro d’une danseuse de cabaret sous un éclairage artificiel. La
confrontation de ces deux univers est articulée par la densité du mouvement et de la lumière qui forme l’image. Ainsi
au-delà de l’enregistrement d’une expérience animale et d’une performance humaine sophistiquée, La profondeur
du chant provoque la réflexion sur la naissance d’un son et d’une image.
22 C I N É M A E X P É R I M E N T A L - A R T V I D É O - M O N O B A N D E S
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