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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS
Les Pythagoriciens pensaient ainsi que l’univers se manifeste selon des proportions « justes » par des rythmes
et par des nombres, en chantant et vibrant harmonieusement. La musique a disparu de Chaos in Cosmos pour les
stridences, les bruits, les tonitruances de la rue; l’ensemble n’est plus, les éléments sont séparés, ils ne connaissent
plus la concomitance. Chaque humain, chaque fait est dans un champ différent. Chaos in cosmos énonce la faille
de la société turque, par un retour à l’avant-cosmos, avant que le Chaos / le désordre ne fût devenu beau par l’or-
ganisation calculée, par la logique. Reste que le collage - photos, lui porté par la logique et le mouvement calculé,
lui dont chaque image a son poids, rend perceptible le désir de l’artiste à rendre sa place au sujet dans sa ville, à
rendre à sa ville la liberté d’être. Simone DOMPEYRE
Julien ESCAFIT,
Ballons #2, 39sec ,
Ballons #3, 36sec
et Ballons #5, 1min 25, Tlse/ALL
Puisque le projet se décline en photographie aussi, rendez-vous
P 86 : PHOTOGRAPHIE
Melissa FAIVRE, Song for being alone, 6min 25, FR
Song for being alone se construit à mesure que le mou-
vement s’engouffre dans un infini couloir. Flottant dans un mouvement
hypnotisant, le point de vue - dès lors partagé par le spectateur - dé-
couvre cet endroit connu et mystérieux à la fois, où différents sons pro-
venant des pièces adjacentes se dévoilent et se perdent dans l’espace.
Cette vidéo est une performance en temps réel. Elle a été filmée en une
seule prise sans nécessiter de montage ni sonore ni visuel. Sa conception s’est attachée à l’espace et à la distance
pour cette apparition sonore. L’endroit en est une condition sine qua non, il le fallait avec son couloir et ses pièces
s’y ouvrant, pour cette expérimentation qui prouve le tressage absolu entre le lieu et le son et l’image de ce son. Il
devient LE LIEU médiateur entre l’image et le son qui y fusionnent en une expérience sensorielle unique au-delà
du réel.
Sylvain FERRARI, La nature de l’homme : 3 Cher animal, 8min, FR
Le noir et blanc pour la subtilité des différences du petit matin, du jour, du soir; pour le passage de
la brume sur les frondaisons, de la fumée sur le bois, de la vapeur de la laiterie; pour une peinture de la proximité
absolue avec des animaux blancs totalement partie prenante de ces lieux-là. Le noir et blanc rassemble les espèces
animales, l’aigle très haut dans le ciel comme silhouette noire, le taureau isolé dans la prairie, les brebis rarement
seules à la toison resplendissante, la vache et son veau lové sur lui-même, la brebis vêlant sans que sang ni mu-
queuse ne perturbent le bucolique… pas plus que les femmes et les hommes, paysans qui vivent dans ce pays,
qui en sont composants. Paysage, c’est l’ensemble pris dans le pays, comme le visage est l’ensemble des traits ou
le rivage de la rive. Eux, Véronika, Adeline, Sophie et Orphée au prénom de charmeur des animaux, ne sont pas
séparés du lieu, ils en arpentent les creux et les bosses; ils grimpent à la cime, guident les animaux ou du moins
cheminent avec eux quand ils ne les aident pas à donner vie. Le repos est près d’eux dans la paille de la bergerie.
Le fromage est fait d’eux, ainsi la traite, le façonnage succèdent aux autres gestes, en fondu au noir sans violence.
Ils sont ensemble dans l’accomplissement.
Les animaux sont étrangement beaux, l’œil de la vache en amande ou l’oblique du bélier dans la ber-
gerie, des brebis sur leur parcours, regardant qui les regarde. Leur laine est toison épaisse. La composition musicale
de Michael Fernandez à l’unisson lie les cris d’appel, leurs modulations, les chants du lieu, les bruits d’animaux
en refusant le bêlement trop négativement connoté, les cloches et tintements, des aigus en cadence et la voix de
l’homme / la femme qui habite ce pays au sens étroit de n’être qu’en lui et par lui. Le plan d’ensemble l’inscrit dans
son espace, le plan moyen le décrit comme vivant, « le » remplace l’homme ou l’animal. Une telle harmonie trans-
forme la dépréciation canonique qualifiant l’imitation des animaux dans leur parcours, elle annule toute envie de les
réduire aux moutons de Panurge ou à l’instinct grégaire. Lorsque sur ce chemin étroit ou la pente escarpée, ils suivent
sans décalage la traverse du premier, rejoignent l’autre bord, prennent la pente, c’est la notion de rite qui se glisse.
CINÉMA EXPÉRIMENTAL -ART VIDÉO- MONOBANDES 25
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