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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS

Parallèlement, les affirmations quittent les préoccupations du réel pour gagner le champ métaphysique / religieux

concernant la motivation des Anciens de « graver leurs vœux pour l’Eternité » et pour appeler « Œil de Dieu » un en-

semble de stèles autour d’une stèle en ellipse, alors la distance opère très distinctement puisque ce sont des radars

militaires et qu’on les rapproche du tank gonflable. Cela le carton final le confirme, en justifiant les véhicules comme

ceux de l’armée israélienne qui a établi une zone d’entraînement militaire, près du Mont Har Karkom, dans le sud du

pays; en reconnaissant les constructions minimalistes comme autant de possibilités d’exercices et en identifiant le

découvreur de sites, Anati. Responsable de quinze campagnes de fouilles de 1980 à 86, dans le Sinaï et le Neguev,

il considère le Har Karkom, comme le Mont Sinaï de La Bible en interprétant les signes et dessins comme des figures

de ce livre fondateur pour sa nation.

                          Paleosol, 80 South développe un contrepoint virtuose en entrecroisant la voix enthousiaste, vibrant de

la foi du trouveur, le bleu poétique de la prise de vue et l’espace militaire ainsi filmé paradoxalement par une caméra

à usage militaire. Le lieu documenté devient celui fantasmé de la recherche des origines et de la sauvegarde armée

du peuple d’Israël. Dépassant l’exercice de style, Paleosol, 80 South réunit deux piliers de cette nation, en langage

onirique.                              Simone DOMPEYRE

                                       Yannick DUBOIS, Parallèles, 1min 08, FR

                                                           Travaillant sur l’apparition et la disparition, le visible et l’invi-
                                            sible, j’ai expérimenté, le sentiment de « dimension parallèle » lorsque, lors
                                            d’une panne, j’ai dû emprunter le deuxième ascenseur de mon immeuble;
                                            celui qui dessert les étages impairs. Les portes s’ouvrirent sur des paliers
                                            identiques; à quelques détails près : le panneau d’information passe tantôt
                                            à gauche, tantôt à droite, les appliques murales diffèrent parfois, la dispo-
                                            sition des appartements s’inverse comme dans un miroir, etc. Tout cela me
donna l’impression d’entrer dans un espace familier mais à l’inquiétante étrangeté. Comme un proche portant la
moustache et qui se la serait rasée. Comme le syndrome de Capgras, dont les troubles poussent le malade à affir-
mer que toutes les personnes de son entourage proche ont été remplacées par de parfaits sosies. J’ai donc entrepris
de photographier l’un après l’autre les 21 étages de cette tour de logement. Assemblés dans ce vidéo-montage, les
murs donnent l’impression qu’ils se meuvent, comme les parois de l’estomac d’un monstre. Chaque palier semble
prendre autant de dimensions d’un même espace, semble devenir le familier trahi par des changements subliminaux.

                                                              Akova DUYGU NAZLI, Chaos in cosmos, 4min 21, TUR

                                                                            Chaos in cosmos ou le champ disséminé. Le plan n’y
                                                              est plus l’unique espace de l’image en mouvement, susceptible de
                                                              dire le monde en documentaire ou d’inventer un monde en fiction. Il
                                                              n’occupe pas davantage l’espace écranique, le noir lui disputant cette
                                                              latitude. En effet, il y recouvre, découvre des dizaines d’images fixes.
                                                              Son déplacement par montée et descente, en vagues successives,
                                                              provoque un effet de clignotement simultané à celui de mouvement.
           Par ailleurs, chaque « vignette » est à la fois proche et lointaine - séparée par un interstice tout aussi noir que l’enva-
           hissement. S’y discernent des moyens de transports, un train emprunté par des voyageurs, aux portières duquel « jouent»
           des adolescents, un porteur plié sous un énorme ballot, une femme en foulard poussant un caddy où est assis un enfant,
           l’attente derrière une barrière; des escalators, des passages; des voies encombrées de voitures, des passants; des struc-
           tures, des baies vitrées de bâtiments, de magasins, des grues de chantier. Le quotidien d’une grande ville, Istanbul, lieu de
           vie de l’artiste. Le dispositif refuse le document, il empêche explicitement d’avoir le temps du distinguer, parfois l’image est
           floue, synonyme de la rapidité de l’élément photographié mais aussi de cette indistinction, surenchérie par la prise de vue
           de l’homme de dos, des passants éloignés… La lecture métaphorique s’impose pour saisir le propos.
                         La ville ne se rassemble plus, elle ne forme plus le cosmos, quand κόσμος signifiait ordre, bon ordre voire
           parure, ce qui s’entend encore pour la cosmétique et ses salons de beauté. Pythagore, au VIème siècle avant notre ère,
           explorait les relations entre mathématiques et musique, entre consonance et rapports de fréquence, entre harmonie et
           structure musicale, il pensait un ordre mathématique de l’univers sans trouble puisque régi par le calcul qui, lui-même, régit
           la musique : les dieux grecs sont musiciens, Apollon joue de la lyre, Athéna de l’aulos.

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