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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS
L’homme ne part pas à l’assaut de la figure géométrique sans motivation, celle-ci s’énonce en un autre
crescendo : des murmures réitérés forment d’autres cercles; ils se clarifient pour que se saisisse le projet métaphore
de l’engagement, de la persévérance de la pensée : « il ne s’agit pas d’espérer pour entreprendre » et la parole
glisse jusqu’aux vers shakespeariens : c’est un récit plein de fureur… et si le plan iconique s’achève avec l’homme
au sol, accroché à une chaise de l’atelier, le plan sonore sans démission, assure qu’il s’agit de marcher, d’avancer.
Elle relance la boucle, cette voix est celle de l’artiste qui rassemble en cette figure de l’homme exténué mais qui se
relèvera, l’artiste en homme, l’homme - artiste. Simone DOMPEYRE
Katerina GIANNOPOULOU, The way, 2min 46, GRE
Le chemin emprunté au quotidien vécu comme un interlude…
alors le réel se transfigure, les formes se défont envahissant l’espace dans
la saturation de leur couleur, les passants se font silhouettes tout aussi colo-
rées… en surcadrage, la rue s’accélère, dorée, ou l’homme reconnaissable
sourit en vous croisant; d’autres rencontres sont plus improbables, petite
fille d’animation sous capuchon, figure empruntée aux motifs picturaux de-
vant des pièces rondes ou clown géant dépassant les toits. Le noir et blanc
échange des lumières et des éclats avant que de profil, en grec se disent
des choses incompréhensibles pour le non helléniste cependant ce n’est pas plus explicite quand sont énoncées
en début des lettres énoncées ou plus tard un texte est grommelé « libre/occupé ». Le chemin est rien qu’à soi qui
sait dépasser le regard blasé sur son itinéraire. Le chemin est celui de l’avancée dans un lieu vidéographique qui se
permet de distordre le réel puisque la vidéo le peut avec plaisir.
D. S.
Yohan GUIGNARD, RECIFS, 16min 53, FR 27
Et si le sport était un océan où alternent bonasses
et tempêtes, où chaque collectif vit une lutte intense, au gré ma-
gnifique et troublant de hasards aussi versatiles que les vents ?
Pour cela, peut-être, ce titre de Récifs donné par Yohan Guignard
à son court métrage sur les vestiaires d’un club de rugby. Les ves-
tiaires comme ultime refuge, comme plage de silence d’où partent
à l’assaut de la performance forcément bruyante, comme autant
de navigateurs ivres de prouesses, les athlètes de l’Ovalie et où ils
s’en reviennent, à la mi-temps, pour reprendre souffle et écouter la
parole du capitaine - entraîneur, avant de repartir dans la mêlée,
dans l’épreuve et qui les accueillera enfin, tout à l’heure, après l’ultime coup de sifflet, pour le moment où s’expriment
toute joie ou toute amertume.
Yohan Guignard a su avec beaucoup de maîtrise filmer ce lieu si particulier. Un intérieur que l’on dé-
couvre par un lent mouvement de caméra sur le mur repeint de neuf mais où se devinent replâtrages et cicatrices
dans l’extrême silence de l’inhabitation. Mais tout s’anime bientôt. L’équipe est là. Les hommes. Dans leur prépara-
tion méticuleuse, dans leur solitude où tics et gestes rituels enferment chacun dans un isolement provisoire, mais
complet, les joueurs nous sont dévoilés. Pas ou peu de paroles. L’échange ici est fait des multiples attitudes qui
préparent les quinze à devenir un corps unique, jouissant, exultant, souffrant. A présent, le cliquetis des crampons
sur le carrelage banal. Il s’éloigne. L’immobilité, le silence sont revenus. Qu’un bruit de robinetterie, le clic-clac d’une
goutte d’eau qui fait retentir sa petite musique : clic-clac, clic-clac. Et puis, dehors, comme une sorte de voix off, de
vagues clameurs, la houle des tribunes, les ordres rageurs du banc, les appels, le sifflet de l’arbitre, appels, ordre
lancé, sifflet, huées de la foule, sifflet, bruit sec du cuir botté, appels, sifflet… Mais ici, dans le havre des vestiaires,
un seul bruit continue à résonner nettement : clic-clac, clic-clac. Le reste, le dehors, appels, sifflets, cris, nous arrivent
atténués. Mi-temps. Le cliquetis des souliers qui revient. On s’assoit, on reste debout, on se frotte une joue trauma-
tisée, on plie le genou qui fait mal. Les regards sont fixes. On entend sans l’écouter vraiment la voix de l’entraîneur.
De nouveau le silence. La petite île s’est refermée. Là-bas, les bruits du dehors ont repris. Jusqu’au retour définitif.
Fin de partie.
CINÉMA EXPÉRIMENTAL -ART VIDÉO- MONOBANDES
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