Page 20 - catalogue 2017
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Projections 1. isdaT



Stefan DAVIX, -30°, 6min (HSLU, Suis.)
La vidéo se parachève sur la machine de montage où se poursuit
le déroulement d’un western, sage retour au flmographique lié
au travail, à la pratique. L’image revient à ce qu’elle est : artefact
modelable et modulable.
-30° : moins trente ? sans explication aucune, impose sa
reconnaissance de composition et la distance d’avec l’image
mimétique. Des bribes narratives parfois réduites à un plan actif
comme la préparation du repas dans la cuisine années 50 ou à
un tiroir tiré à la morgue par un homme en blouse blanche rejoint
par un autre; parfois à deux ou trois plans comme la chute dans
le précipice d’une voiture, ou plus long, emprunté au western
canonique, la déambulation devant les chariots arrêtés d’une
jeune flle en robe longue appropriée. Sans lien autre que le
genre flmique, ils deviennent le fonds de ce flm-ci qui insère
son amorce en son déroulement même. Et ce, non pour inventer une histoire mais pour preuve de la nouvelle
malléabilité par le truchement technologique. Apparition, disparition, transformation, déplacement, ubiquité,
doublement voire quadruplement... loin de produire l’illusion du continuum diégétique, ils deviennent matériau, ils
disent l’expérimental. Ils l’avèrent et à cœur joie, se répètent, se disloquent, se font rayer avec ou sans trace de
peinture, de sillage à la verticale selon le long déroulé de la pellicule, ou en face à face avec eux-mêmes alternés
avec les autres: voiture / femme ou avec eux-mêmes en variation : dupliquée en quatre la voiture - comme la femme
à la cuisine - est dirigée selon quatre axes. La perturbation du désir de narrativité est plus encore aiguisée par le
tremblotement des fgures même si la musique fait aussi des échappées vers la bande originale de genre.
D.S
Shawna DEMPSEY et Lorri MILLAN, Vigilance, 3min20 (Videopool, Can.)

Dans un scénario-type de flms d’horreur ou de reportage
d’actualités, une femme est traînée à travers un terrain vague.
Alerte et impassible à la fois, elle reste vigilante, très concentrée en
un regard adressé.
Ce flm Super 8 juxtapose des séquences de dégradation à celle
étrange d’un cauchemar de violence subie, fréquent chez les
femmes, à un monologue intérieur qui commente la représentation
des violences sexuelles par les médias. Par là, cette vidéo interroge
l’impact des images violentes et misogynes dans notre esprit et
notre culture.

Aurélie GARON, C’est un bruit qui est là, qui permet de respirer on dirait..., 3min25 (Fr.)


C’est un écran qui est là, on dirait un trou que la caméra fxe sans
jamais se départir. Un écran donc et voilà deux hommes qui se
chamaillent ou plutôt deux hommes en lutte, se mesurant au corps
à corps et qui font f de cette fenêtre-écran comme s’ils étaient
derrière sans se préoccuper de ce qui se passe devant. C’est une
lutte à laquelle ils se livrent, c’est une lutte qui est là et non un
spectacle, même si nous, devant, nous en sommes les regardeurs.
On voit les bras des combattants, le haut de leurs corps seulement.
Ils sont deux s’agrippant l’un l’autre, puis un disparaît, puis les
deux pour revenir ensuite et continuer la joute.
Comme plusieurs notes tressées pour n’en faire qu’une, c’est aussi
un bruit que l’on entend, en continu et qui, pareil aux actions des
protagonistes, s’interrompt, s’eface pour réapparaître ensuite,
inchangé, invariable.
C’est du cinéma qui est là, celui d’Aurélie Garon : du « bruit cou coupé » et des images, la rencontre de toutes les
métamorphoses possibles, le lieu même de l’imagination.
Christian Milovanof
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