Page 16 - catalogue 2017
P. 16
Projections 1. isdaT
Elise ANCIAUX, Sur le rêve, 1min29 (Arts2, Belg.)
Cela débute par l’intrusion en mouvement désordonné d’une toute
petite chambre ; du plafond de planche badigeonnée au lit une
place et défait qui accueille celle dont la main éteint la lumière.
Images analogiques jouant la carte de l’amateurisme, elles sont
catalyses du rêve annoncé… rêve étrange puisqu’il se joue en
animé. Animation de lettres sur musique Twist, apparaissant /
disparaissant à ce rythme, avant que, suite naissant par association,
elles forment une phrase bilan :
« J’ai tant vécu que je ne suis plus d’ici ». L’ici serait ce plan zénithal
urbain sans grands indices localisateurs d’autant que des teintages
divers lui ôtent toute naturalité…
Le rêve prend le même itinéraire, pose des questions sur l’identité censée se décrire selon les envies émises ;
celles-ci découvrent des domaines si divers que leur énoncé sature l’espace : voyager mais aussi mourir, pleurs
mais aussi plaisir. Un OUI prégnant a devancé non seulement ces propositions mais une mosaïque de fragments
de corps ; construire du sens s’avère difcile quand l’afux des composants n’est plus géré par la veille… Toujours
emballé par la musique, le principe de déplacement de l’onirique est comblé par trois mêmes photos d’une enfant
et des éléments d’un « je » dont le doigt de l’empreinte digitale. Sous l’inorganisé manifeste, le rêve a réclamé une
variation très organisée des traits d’animation.
Simone Dompeyre
Caroline BÉNECH, DXB, 6min40 (Fr.)
Le sentiment d’errance qui se dessine dans cette oeuvre évoque
celui qui naît lorsque l’on se laisse transporter en contemplant
indéfniment un paysage qui défle. Sa source première vient
d’une série de photographies que Caroline Bénech a réalisée lors
d’un voyage dans les villes nouvelles du Moyen-Orient, en 2007.
Empruntant les voies surdimensionnées qui passent entre les
architectures pharaoniques, elle a simultanément enregistré une
sensation d’irréalité et de vertige.
Ce souvenir, ainsi que les échantillons photographiques associés,
ont reposé près d’une dizaine d’années avant d’être montés en un
paysage virtuel en 3D. Grâce au mouvement, à la profondeur et à la
temporalité de la vidéo, sont revécues les sensations du souvenir.
En un mouvement continu, l’on glisse à travers un espace de
photographies de l’artère centrale de Dubaï, Sheikh Zayed Road.
Étirées pour couvrir les surfaces, les photographies découvrent une apparente perte de résolution lorsque la caméra
s’en rapproche. Façades et ornements sont transformés en monolithes aux faces plates. Une dématérialisation
destructive qui les ramène à un ensemble de pixels abstraits. Des refets glissent sur une surface lisse, plane et
liquide à la fois, comme une nappe d’or noir.
Ainsi déformée et reformée, l’image de la réalité devient surréelle, comme l’évocation fctive d’un paysage ou l’étrange
réminiscence d’une rêverie. La régularité jusqu’au mécanique du mouvement instaure une sensation de déflement
infni. Il entraîne vers un ailleurs toujours plus loin, vers un paysage qui se reconstruit sans cesse. L’horizon vertical,
induit par le renversement du point de vue, participe au sentiment d’étrangeté et de désorientation. L’oeil se trouve
difcilement capable de déterminer si le mouvement se poursuit vers l’avant, vers l’arrière ou dans les deux sens
simultanément. Par ce basculement des repères, l’on s’abstrait de la notion de paysage et on se laisse immerger
dans le mouvement des plans qui se fondent les uns dans les autres. La bande son se nourrit d’enregistrements de
machines de pompage de pétrole, superposés et manipulés numériquement. Transformés en résonances musicales,
les sons amplifent la perception surréelle et troublante de cet espace vidéographique.
14