Page 25 - catalogue 2017
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1. isdaT Projections
Marie MINOT, TROPICAL AMNESIA, 5min03 (Fr.)
Un goût amer dans la bouche, la gorge sèche
Le crâne qui enfe à chaque nouveau battement de coeur.
La désagréable impression de ne pas être restée maîtresse de soi
Voilà ce que tend le dernier travail de Marie Minot en induisant à
appréhender la construction du souvenir reconstitué sur les débris
de la veille voire d’une autre existence. L’énigmatique TROPICAL
AMNESIA évoque un retour à soi après une longue apnée : des
souvenirs qui remontent à la surface par bribes, d’autres qui
stagnent entre deux eaux…
Ce travail efeure l’idée du mécanisme protecteur de la conscience,
qui transforme un choc dont le souvenir a été efacé en d’autres
images illusoires. Appliquée au médium photographique, le collage
numérique procède précisément d’un tel mécanisme, puisque
l’origine des clichés se perd au proft d’une nouvelle vision, d’une création semblable à ce que Paul Ricoeur
nomme « une identité narrative : la Mémoire, l’histoire, l’oubli ». Les jeux de calques, de superpositions et de
masques interviennent comme autant de moyens de faire le deuil de ce qui a été et de s’approprier l’image-source
potentiellement traumatique afn de se libérer de sa persistance – de créer des mirages en somme.
Kika NICOLELA, ENTRE-TEMPS, 13min (Brés. / Belg.)
ENTRE-TEMPS a été tournée dans l’espace vide de l’ancien
bâtiment du Musée Juif de Belgique en attente de destruction. Ce
bâtiment est chargé d’une lourde histoire, puisqu’hôtel particulier
avant école, il fut occupé, pendant la Seconde Guerre Mondiale,
par les nazis, qui ont utilisé la cellule où la vidéo a été tournée
comme prison.
Plus récemment, le musée a été la cible d’une attaque terroriste
dans laquelle quatre personnes ont été tuées. Dans ENTRE-TEMPS,
avec la musique de Gauthier Keyaerts, un corps féminin - l’actrice
et danseuse Anna Tenta -, par ses mouvements et ses sons établit
un dialogue avec l’architecture comme avec l’histoire et l’énergie
particulières du bâtiment. La cellule vide attend la destruction
imminente; ce bâtiment pulse dans les limbes, en suspension.
D.S
Tracy PETERS, Forest Floor, 1min23 (Videopool, Can.)
Un zeste de performatif, un plan fxe zénithal portent à partager la
pensée écologiste. Une main se détache par sa carnation sur le
fond indistinct et peu coloré de brindilles et restes de plantes, celle
de l’artiste qui découpe, en lanières, une épreuve photographique
de feuilles et de tiges. Les ciseaux très nettement dirigés n’hésitent
pas, les lés s’afnent de plus en plus jusqu’à adopter la taille des
éléments en pleine décomposition du sol forestier qu’ils rejoignent
et avec lesquels ils se fondent, revenant à leur état premier comme
matériau papier et comme image de cette fore. Par de légers
fondus enchaînés, les ellipses temporelles évitent de s’appesantir
sur la longue transformation en nouvel humus, pour n’en garder
que la résultante : ce sol de forêt.
D.S
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