Page 29 - catalogue 2017
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1. isdaT Projections
Julie TOUSSAINT, Au-delà du conte, 1min43, (Arts2, Belg.)
Si une rétrospective « Court des Contes » programmée lors d’une
édition du festival du court métrage de Clermont-Ferrand revisitait
ce genre, avec des regards contemporains, Au-delà du conte de
Julie Toussaint en renverse, dans un contexte expérimental, les
codes en provoquant la réfexion sur sa place dans la société
moderne.
Au-delà du conte s’articule, en efet, autour de fgures topiques
telles que Blanche Neige, Les trois petits cochons ou encore La
Petite Sirène, alors même que les dessins en acceptent le trait et
les couleurs pastel, caractéristiques des illustrations de livres pour
enfants, auxquels on a cantonné longtemps le flm d’animation.
Cependant, le graphisme inquiétant voire macabre accordé à la musique atmosphérique glaciale, standard des
scènes d’angoisse, provoque le malaise. Pour preuve, les corps décharnés, les bouches déformées et les cris
et rires grinçants réitérés par des sons électroniques en contrepoint, annulent la classifcation du flm, puisqu’il
dépasse le genre originel par la déconstruction malgré sa calme énumération.
En incipit, devant une ligne d’arbres, synecdoque de la forêt du conte, courent trois petits cochons aux membres
détourés selon la découpe des planches anatomiques de boucherie, ce qui les rabaisse à leur usage consommable
de pièces de viande, d’autant plus que tombés dans un piège tendu par un Chat Botté décharné, ils fnissent
pendus à des esses et ce, dans une chambre d’enfant : les fgures de l’imaginaire n’échappent pas à une société
du jetable et c’est ce dont on nourrit les enfants. De même La Petite Sirène, La Poule aux œufs d’or, Pinocchio et une
fée, eux-mêmes réduits à de simples objets décoratifs, privés de toute liberté sont soumis à l’enfant, qui les enferme
dans un bocal ou dans une cage, les épingle comme des papillons ou les suspend aux pieds du lit, en un portrait très
éloigné de celui de l’innocence enfantine. L’inversion des rôles, précisément celle entre le loup et l’agneau, dénonce,
dans une violence croissante, l’aliénation des fgures imaginaires.
En efet, si l’enfant, réduit à l’emblématique tant le dessin lui ôte toute particularité physique, s’efraie à la vue
de l’ogre, il n’afche aucune réaction lors de sa décapitation dans la chambre. Celle-ci, est pourtant reprise dans
la continuité du mouvement en valeur de plans croissante, et en surcadrage parmi les lignes de force des arbres
qui opposent le réel et l’univers imaginaire. Une telle composition induit la porosité entre les deux espaces, dont la
frontière est confuse pour l’enfant, d’autant que le champ est occulté par des gros plans successifs, en travellings
descriptifs. Ces mouvements de caméra obéissent au sens de lecture conventionnel avec des fondus comme
seuls raccords, selon la fuidité de la narration linéaire, pourtant remplacée par la succession de tableaux non
chronologiques, dans le refus de toute explication narrative. Les seuls mouvements diégétiques se restreignent,
répétitifs selon les articulations de ce qui s’avèrent des pantins, preuves de leur manipulation par l’enfant, et ce qui
lance la répétition possible à l’infni et dès lors, le dépassement de la linéarité narrative.
Au-delà du conte provoque par la confusion des espaces réel et imaginaire une violence croissante mais banalisée
des images, auxquelles est exposé l’enfant, qui en vient à préférer la posture du loup voire à s’identifer à lui, comme
l’explicite son ombre sur le mur à la chute du flm, rejetant la fn heureuse topique du conte de fées et la pédagogie
morale que le conte suggérait.
Au-delà du conte se libère de certains codes du conte pour que l’on réféchisse à l’impact des images, pourtant
traditionnellement réservées aux enfants, et dont la séparation nette des concepts de bien et de mal en totale
contradiction avec la réalité du monde les empêche de trouver des repères dans celui-ci ; la vidéo oblige
simultanément à saisir le paradoxe des flms dits pour enfants et portés par la violence.
Virginie Menu
Marcin WOJCIECHOWSKI, UNDER-CONSTRUCTION, 8min (POLISH SHORTS, Pol.)
Un journal écrit en animation mêle dessins et graphismes. Il y s’agit
autant d’une recherche d’équivalents visuels à la décomposition
et à la déconstruction de la pensée d’une personnalité /
personne, que d’un projet de description des eforts désespérés
pour se reconstruire et émerger. Ainsi, en un jeu particulier de
représentations graphiques des états mentaux accompagnant les
luttes quotidiennes avec la réalité, s’incluent des questions du
type : « Qui suis-je ? », « En quoi consiste-je ? ».
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