Page 26 - catalogue 2017
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Projections 1. isdaT
Margarida REGO, A Caça Revoluções, 11min (Portug.)
A Caça Revoluções le seuil interloque : le terme éminemment
politique appelle à la révolte ou à l’Histoire de la révolte, mais
pourquoi la chasser comme une proie, qu’est cette quête.
D’emblée, la parole en « je » - celle de la réalisatrice - en voix
over, explicite le projet de comprendre son présent qu’elle pense
indissociable du passé de son pays, le Portugal et de son père. Elle
fait le lit de son flm / quête très précisément, d’une photo qu’il a
prise, alors en 1974, après ce 25 avril de la Révolution des Œillets.
Elle récolte des sons radio en trace historique et des images de
foule où hommes et femmes, jeunes et plus âgés, diverses classes
sociales ne font qu’un. Elle ne s’en tient pas à la citation, elle agit, cherchant, dans le passage du plan d’ensemble
d’une masse indistincte aux nuques et aux visages précis de cet homme à béret, de cette femme levant le bras, des
personnes qui, elles, ont agi dans ce passé. Plus elle fait du groupe, une force en traçant de vigoureuses virgules
blanches, en vagues, les transformant en océan que rien n’arrête.
Ce qui la guide, c’est le désir de combler cet espace entre un homme de 64 ans, qui a vécu cette révolution sans
armes et elle, qui avec ses 25 ans n’a pu la connaître. Par l’Histoire retrouver sa propre histoire. Le flm conclut sur
cette proximité voire cette proxémie retrouvée.
Cependant, elle a besoin du recours à l’art et fle l’analogie avec le taureau de Guernica, dont le titre suft à ce que
l’on se remémore la toile de Picasso mais elle lui préfère pour son analogie, la corrida. L’arène et divers moments
de la faena, l’Estocada, les mouvements de la cape, l’approche des peones passent dans son vocabulaire par les
touches de peinture les zébrant, les enveloppant, formant un cercle entre les combattants, l’homme et le taureau.
Le taureau / force brute nazie que voulait combattre Picasso en devenant taureau lui-même. Le taureau qu’elle
approche en voulant, à son tour, intérioriser le mouvement de résistance, la houle du désir du futur. Elle reprend
le slogan mais sans monter le volume de son énonciation : « Tout ira mieux » - ce qui confond aussi le rapport au
père. Pour preuve, ce taureau est aussi puisé aux sources mythiques et à celles de Cnossos - dont les rites sont
considérés comme la matrice de la corrida actuelle. Taureau qui devient matériau de la recherche de Margarida
Rego, passant du T.G.P. de crans crépus noirs qui saturent le champ, aux pointes eflées des cornes jusqu’à
la reprise de la reproduction photographique complète de ce vase à libation connu. Ce taureau lié au labyrinthe
mythique de Thésée et d’Ariane rejoint sa propre recherche, elle-aussi en méandres, qui mêle ses propres savoirs
artistiques aux traces retrouvées de l’histoire du père, dès lors, à sa propre histoire.
Margarida Rego travaille son itinéraire plastiquement ; la notion d’enterrement, fgurée par un corps, outre les
sons de terre pelletée, attire les mêmes traces blanches de peinture, qui couvrent une masse au sol ; des mains,
qui pourraient dans la précision des traits venir d’un tableau, sortent de la même virulence en blanc. Le paysage
urbain qui, en explicit, localise Lisbonne, revient, lors de l’avancée flmique, qui passant par toute l’échelle des plans,
privilégie alternativement tel balcon ou l’ensemble urbain…
La trame du support photographique atteste de son matériau, la peinture ne cache pas la force manuelle ; celle
qui cherche le père, qui cherche son origine n’en abandonne pas son devenir artiste et c’est ainsi qu’elle peut la
rejoindre : « tout va bien ».
Simone Dompeyre
Verena SCHAUKAL, Magnifcat, 1min09 (All.)
Magnifcat en amplitude musicale patrimoniale poursuit la veine
iconoclaste des diverses animations de l’artiste, qui la décline
autant en photographies où elle se campe devant des lieux locaux
transformés / transportés à l’étranger par leur décoration, où des
afches qui saturant le champ sont prises pour le vrai paysage,
qu’en installationniste qui fait chanter les boîtes de Vache qui rit
dans des réfrigérateurs. Le paquet qui sature ce champ-ci est
un sachet de bonbons… douceurs suisses enveloppées de papier
doré, caramels durs alliés à une image de vaches et de veaux aux
taches noires pour assurer que la marque Lutti utilise vraiment du
bon lait pour leur fabrication.
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