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Musée des Abattoirs  Projections

détournant objets et gestes de cette féminité-là imposée.
Le montage perturbe la topographie du dedans autorisé, en alternant, sans logique de
déplacement, la maison et une salle d’usine avec deux grosses machines circulaires
en gros plan sans précision de leur pourquoi. La performeuse en robe-chemise courte,
loin d’un costume de travail en usine ou à la maison, y tient un cor, elle le manipule,
s’en coiffe ou souffle dans son embouchure sans en tirer un son. Elle expérimente
l’objet et sa forme. Elle opère, de même, une investigation des objets de la maison ;
parfois simplement remplir d’eau un gobelet d’étain comme la carafe, et boire, parfois
sans plus d’étonnement marqué, se coiffer d’un abat-jour ou tâcher de l’enfiler, parfois
chercher à atteindre celui accroché au plafond avec une pince se terminant par une
main. Le glissement vers le non sens gagne l’aménagement ; certains meubles se
doublent en symétrie ; la femme peut y être assise et se doubler aussi.
Le temps reste arrêté à 6 heures de la pendule mais la femme fait du temps, puisqu’elle
agit et s’agite, tout en refusant la distinction du dedans et du dehors : elle se cache
derrière le rideau de part et d‘autre de la fenêtre et cela, parfois, simultanément.
De même, elle a rejoint cette pièce en surimpression, spectrale avant de prendre une
corporéité machine et avant d’être dans cet espace de paroles incompréhensibles.

Le cor est instrument pour cette défiguration volontaire de la femme telle qu’on la
voudrait ; en revanche, elle lutte pour ôter une cagoule imposée par étape jusqu’à la
couvrir de même qu’une longue chasuble emprisonnant le corps. Elle penche sa tête,
la forçant de ses mains, elle la remue encore s’aidant de ses mains ; de dos et de face
parfois totalement enfermée. Suffoquant, elle parvient à ôter ce carcan, elle respire
sous des accords distincts de guitare se différenciant de la sonorité constante… un
chat surgit sans autre justification, sans mouvement d’elle.
Être maîtresse de sa maison, c’est-à-dire de son corps, c’est refuser un sens imposé
d’être.

L’artiste dit la structure duelle de la pensée fait que les composants qui l’ordonnent
s’établissent de façon bipolaire : esprit/nature, esprit/corps, blanc/noir, homme/
femme, vrai/faux. Une hiérarchie en découle avec des significations, en termes absolus,
très partagées, correspondant au bien et au mal, au positif et au négatif, dérivés de
ce principe, comme avec ces présupposés idéologiques. Ceux d’une construction
socioculturelle qui établit un ordre social perpétuant la domination d’un groupe sur
un autre.

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