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Projections  Musée des Abattoirs

s’incrusteraient sur son visage puisque le film est la marque de « ma déchirure, ma
blessure, ma suture » que Bourque fait pour tenter de s’en éloigner en son réel vécu.

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Isaac Ruiz Gastélum, Desprendimiento de la pasión

3min | Mexique

« J’ai cherché dans le scénario à réaliser cette idée de cinéma visuel où la psychologie même
est dévorée par les actes. [...] Ce scénario recherche la vérité sombre de l’esprit, en des images
issues uniquement d’elles-mêmes, et qui ne tirent pas leur sens de la situation où elles se
développent mais d’une sorte de nécessité intérieure et puissante qui les projette dans la
lumière d’une évidence sans recours. », Antonin Artaud, Cinéma et Réalité. Cela concerne
La Coquille et le Clergyman.

                                    Les signes d’obédience avec le cinéma expérimental
                                    à la Deren, à la Dulac ou à la Man Ray donnent le la
                                    d’approche de cette brève cérémonie sans mots, sans
                                    explications. L’assise sur une chaise alors que l’on
                                    s’occupe de sa chevelure ne serait que prosaïque si la
                                    jeune femme n’était pas nue, en extérieur ; si le mur de
                                    fermeture de cet espace n’était un mur blanc sur lequel
coule de l’eau laissant, avec le fracas du flux et reflux de l’océan, des traces de son
sillage, ni si le miroir qu’elle découvre en son entre-jambes ne transformait pas le plan
de demi-ensemble en un gros plan, regard adressé, sous un bruit fort, inexpliqué.

Plus ce plan d’étrange tranquillité, dont la naturalité va comme allant de soi, décrivant
une jeune femme humectant ses cheveux, précède un changement et d’échelle du
plan et du lieu, amorcée par le son chevauchant les espaces. Désormais, droite, en
silhouette, elle relie ciel et terre et mer, au point de perspective de la jetée alors que
l’effilochement des nuages, suivant des obliques, fait signe vers le point d’horizon,
que son corps légèrement vêtu d’une courte jupe flottante cache. Des sons amplifiés
à la source non déterminée – est-ce le chant de baleines inattendues et non là, sa
position ni son isolement.

La proximité marine justifie la coquille blanche étincelante dans la lumière comme
l’étoile de mer sous un éclairage moins prononcé, toutes deux centralisées en plan
moyen… Au-delà de cette logique fausse puisque rien ne les réclame, et moins
encore une telle focalisation, elles font signe/s vers des œuvres clefs de l’onirisme
expérimental et ce, d’autant qu’en incipit et en explicit, elles marquent les seuils.
L’étoile de mer du poème de Desnos et du film éponyme de Man Ray, devient le
cadeau d’amour tendu dans un bocal par la femme à l’homme, elle en approche plus

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