Page 134 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Projections Musée des Abattoirs
orchestrée.
Une petite berceuse délicate accompagne un souffle grave inquiétant, contraste
omniprésent.
Les deux corps se cherchent, se trouvent, s’enchevêtrent au point de n’en faire qu’un.
Adultes aujourd’hui. Le timbre de la berceuse rappelle qu’ils furent autrefois enfants
jouant.
Le rythme s’énerve.
Le dernier tableau s’achèvera sur la silhouette d’un Homme, seul, terriblement.
Geneviève Démereau
Isabel Pérez del Pulgar, La Reina de la casa
6min25 | France
Rrose Sélavy, chapeau à voilette, chapeau
à plume, visage penché et colliers de perles,
le « costume » de la femme élégante, c’est
déjà Duchamp. Face à l’objectif de Man Ray,
ready made vivant, image d’image, métalangue
et jeu du dire quand le double R, censé éloigner
du prénom et de la fleur, s’en accroche par
la prononciation de la vélaire, incitatrice de double entente en Éros. Et l’oral des deux
termes provoque diverses lectures, outre cet « Éros/c’est la vie », l’inversion, type
chanson populaire, fait la vie en rose…
Inverser les modèles, en surlignant les actes, si le modèle masculin impose force,
détermination, yeux secs, sans maquillage – du moins en notre Occident actuel –
le modèle féminin, censé être de douceur et de finesse, impose élégance, sourire,
pleurs et femme au foyer. Les codes traditionnels faisaient la femme, la désignant
comme la reine de la maison ou autre fée du foyer, embellissant, par là, des tâches
trop domestiques pour être dévolues à l’homme.
Isabel Pérez del Pulgar mène une action de déminage de tels modèles
imposés. Elle n’adhère pas davantage à un modèle performatif, préférant en décliner
plusieurs : la sculpture vivante avec objet, la gestuelle domestique faussement
acceptée, l’enlèvement d’un costume éminemment contraignant, variante de son
META_W puisque si le genre n’est qu’une forme, refuser la forme imposée, c’est se
faire soi, toujours recommencée. Se Faire.
Isabel Pérez del Pulgar pervertit l’espace de la salle à manger canonique avec son
buffet et sa table et ses objets de décoration, non en surjouant la figure que l’on attend
de la femme qui doit précisément faire bonne figure, ni en ajustant le modèle mais en
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