Page 178 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Installations Prép’Art
Prép’Art
Ryan Benjamin Lee, Stray
10min50 | Singapour
L’expérimental aime faire un œil nouveau,
apprendre à regarder ce que l’on se contente
de voir. Il a aimé, très tôt, s’emparer d’un animal
injustement déprécié, la vache devenue ainsi un
animal vidéographique, s’il en est. Qu’elle soit
localisation du film Millevaches(expérience) de
Pierre Vinour, qu’elle « rumine » emblématique
avec George Rey et, à nouveau, en un clin d’œil-hommage avec Ichiro Sueoka :
La vache qui rumine, qu’elle rie ou chante le Magnificat en papier doré de bonbons
suisses grâce à Verena Schaukal ou qu’elle bêle comme le veau selon le titre de Jean
Yves Clouin.
Du Web, l’animal totémique serait plutôt le chat fascinant car domestique et félin
à la fois, car caressant et griffant alternativement… Auparavant, Marker remarqua sur
les murs de Paris, un chat stylisé manière dessin d’enfant au grand sourire jaune, il le
filma dans Chats perchés le faisant rejoindre ses deux autres figures : l’éléphant et la
chouette outre son chat du Japon auquel un cimetière est consacré. Il lui octroya un
tout autre caractère de chat pensant, écoutant de la musique, ce qui le conduisit à le
dénommer Guillaume-en-Egypte… Il le rapproche du monteur « Ce chat ment. C’est
un mensonge / qui dit la vérité / celle du menteur, celle du monteur pour qui toutes
choses, à la différence du chat de Kipling, ne se valent pas ».
Quant aux chats égarés/Stray de Ryan Benjamin Lee, ils entraînent dans les chemins
sans itinéraire, sans lien narratif, dans une marche libre.
Son montage aime la variation, il suit une arithmétique passant du même chat
unique, doublé, triplé… jusqu’à six ou des dizaines de chats différents en même
accumulation ; il suit l’éventail des couleurs et des « genres » sinon races de chat
au pelage strié, roux, blanc, noir et même bleuté ; il diversifie les comportements :
grimpant, sautillant, se roulant, se léchant, se grattant ; il change d’échelle : l’animal
nain ou géant se juxtaposant dans le même champ ou l’occupant successivement ; il
invente sa temporalité en mêlant les allures l’accéléré, le lent, l’immobile, simultanées,
mais aussi en multipliant le même chat s’étirant, le faisant se rejoindre, se superposer,
se toucher…
Le mouvement se fait en largeur, de gauche à droite ou inversement, en oblique ou
selon des volets occultés puisque le fond reste noir loin de tout désir d’un lieu réaliste.
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