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Installations  Chapelle des Carmélites

Ana Barroso, Transitions

15min32 | Portugal

                                                      Transitions entraîne au seuil entre les
                                                      espaces du matériel et de l’immatériel,
                                                      et ce faisant, elle requiert une perception
                                                      qui ne redoute pas l’émoi auquel invite la
                                                      narration en filigrane. Elle se démarque de
                                                      certaines tendances du montage rapide, de
                                                      l’accélération de l’art vidéo, leur préférant
                                                      les tempi lents susceptibles d’entraîner
dans la profondeur des images et des sens et d’entraîner de vives sensations.
Le récit non linéaire opte pour le fragment, afin d’évoquer cette part d’imaginaire
trop souvent annihilé, pour que se glisse ce quelque chose qui émeut mais qui ne
peut nécessairement ni se saisir ni s’expliquer. La partition musicale évoque les deux
mondes, l’un reflet de l’autre, la surface et la profondeur en une osmose du son et
de l’image. La proposition en boucle s’avère une offre d’extension de la subjectivité
et de l’expérience, de l’ordre de l’horizontalité – les images en mouvement – et de
la verticalité – la perception de ce montage audiovisuel au sens plein : la relation
œuvre/regardeur. Extension plus encore par le lieu, appel d’un tel travail où le corps
se fait danseur dans des architectures rêvées et qui réveillent à la fois les « grands
portiques » baudelairiens et le plaisir de les dire devant ce grand écran, enchâssé
dans la Chapelle sans colonnes mais à la riche iconographie. Le poème engage à
voir, sensualiser cette « vie antérieure » – du titre du poème des Fleurs du Mal – où
se décrit un passé vécu en poésie loin de l’engluement de la quotidienneté.

« J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques. »

Ainsi le corps danseur vulnérable et capable de changer la perception de l’espace est
transition à jamais renouvelée, propice à l’invention des sensations et des lectures.

                                                                           Ana Barroso/Simone Dompeyre

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